Après Little Darlin, l'année 1982 est plutôt calme en termes de production pour SHEILA, qui publie quelques singles et notamment un nouveau succès qui reprend l'un des meilleurs tubes disco italiens. Sur "Gloria", devenue "Glori Gloria" en français, le contraste entre sa belle voix claire et élégante par rapport à celle éraillée d'Umberto TOZZI fait sensation, et la chanson remonte dans les tops de plusieurs pays.

SHEILA considère pourtant que sa carrière internationale ne lui apporte rien de neuf d'un point de vue artistique, qu'elle s'est suffisamment professionnalisée. Elle voudrait désormais faire des oeuvres plus personnelles, faire en sorte d'équilibrer mieux sa carrière entre Annie Chancel et son personnage de SHEILA. Les choses évoluent au point qu'elle décide, au bout de vingt ans, de rompre avec Claude Carrère son compositeur, producteur et manager, bref son protecteur !

La décision n'est donc pas des moindres, et pour gérer "l'après", SHEILA fait appel au musicien et producteur Yves Martin. Leur entente devient solide au point de s'étendre à plusieurs décennies, mais avec un nombre d'oeuvres beaucoup plus mesuré. La première, qui marque bien le coup après l'album américain, s'appelle On Dit... (1983). C'est l'album le plus parisien de SHEILA, dans ses ambiances (un caractère urbain, jazz enfumé et sensuel comme "E6 dans le quinzième"), dans ses paroles aussi car la ville et ses rues sont mentionnées au cours de deux chansons.

Pourtant, le premier titre est exotique, un rythme reggae et des mots dédiés aux Antilles sur le thème de l'amour toujours ("mon corps brûlant entre ta peau et l'océan"). Joli début qui montre l'importance de la basse sur ce disque et que l'on peut citer, mieux que la guitare, sur pratiquement tous les morceaux ! Juste après, il y a "E6 dans le quinzième", totalement différente. Une promenade nocturne dans Paris sur fond musical qui fait un peu penser au titre "Mayenne" que Laurent VOULZY publie la même année, mais avec un caractère plus soul et du saxophone en prime.

Ce sont carrément des cuivres funk qu'on entend sur "Vis-vas", mélange du désir de profiter des bonnes choses et envie d'évasion pour une invitation musicale à danser. Sur "Je", SHEILA tire son épingle (expression tronquée volontairement pour éviter le calembour) d'un point de vue chant, presque théâtral tout en exprimant la lassitude de la souffrance. Elle s'en prend ensuite aux médias télévisés surtout pour un texte critique comme elle en chante rarement : "La vérité qu'on nous ment" est un zapping de divers programmes, chronique politique, bulletin météo, match de foot... Une fois encore, la musique nous gagne, autant que l'interprétation.

Il est certain qu'à l'approche de la quarantaine, SHEILA aspire à d'autres choses. Elle parle de façon très personnelle et mentionne ses anciens camarades sur "Johnny, Sylvie, Cloclo et moi", accompagnée par une guitare acoustique douce et réverbérée. Il y a encore deux titres plus orientés années 80 avec des synthés en avant, où les textes sont moins bons qu'ailleurs ici. Ce n'est pas sans émotion toutefois que l'on retrouve le timbre d'une SHEILA plus jeune, presque adolescente sur "Sauve qui peut" (autre regard désabusé, en chanson et en lisant le journal cette fois), alors qu'il lui arrive de chanter plus grave. Au contraire d'ailleurs, le superbe "On dit... (Jacquie)" montre ce que la chanteuse peut offrir de mieux en cette période, et l'arrangement suit. Un beau disque, nettement meilleur que son petit frère proche en tous les points !