Le troisième album de SHEILA est publié en 1965, une année creuse sur le plan scénique car la chanteuse est en rémission, après avoir dû annuler celle de son deuxième album pour cause de grand épuisement.

En fait, c'est un peu la pagaille entre deux publications et on parle ici de son quatrième L.P mais troisième "original", étant donné que le précédent, un 25 cm, était un croisement entre des chansons de celui-ci et d'autres du deuxième album. Gardons donc celui qui contient le plus de matière nouvelle.

Sam Clayton et les Guitares forment toujours l'accompagnement et en grande majorité, même s'il y a aussi de l'orchestre et notamment sur le premier morceau, "Tous les deux". Intro massive pour une mélodie forte et évidente, le grand amour chanté sur envolée de cordes. "C'est toi que j'aime" fait partie des singles extr aits, un slow bien mené par une chanteuse voulant renouer avec son chéri. Sur "Je ris et je pleure", elle raconte qu'il la trompe ; les paroles sont écrites par Jean-Jacques DEBOUT.

Ces chansons d'amoureux qui s'éloignent ou se rapprochent, Claude Carrère les écrit souvent avec Jacques Plante : c'est le moment où il se quittent, avec Plait son ancien associé, qui ira lancer Joe DASSIN. Il y a aussi André Salvet (DALIDA, Richard ANTHONY...). Pour la plupart, ces compositions ne sont pas une grande aubaine financière pour SHEILA.

Le succès vient plus des adaptations de chansons américaines. Le duo avec AKIM, "Devant le juke-box", reprise du morceau de Gene PITNEY ("If I Didn't Have a Dime (to Play the Jukebox)" est un échange de galanteries modérément appréciable, même si on entend un instrument qui revient souvent dans les futurs albums de SHEILA : le marimba.

Ensuite, deux chansons empruntées l'une à THE SEEKERS, l'autre à SONNY & CHER, qui n'apportent pas grand-chose à leurs versions originales, sinon une perte pour "À la même heure" (pas de remplaçant à SONNY) et une adaptation approximative, trop bavarde. La musique reste bonne néanmoins, le chant-sourire de SHEILA fait son effet et il y a de bonnes guitares folk, 12 cordes comprises, qu'on retrouve sur la chanson des SEEKERS.

"I Could Easily Fall" est un classique de Cliff RICHARD & THE SHADOWS et "Toujours des beaux jours" ne l'égale certes pas, même de loin, mais on aime quand SHEILA fait ses propres choeurs. Pour "Le Folklore Américain", traditionnel country ("They Gotta Quit Kickin' My Dog Around") dont les CHRISTY MINSTRELS ont gravé une superbe version un an plus tôt, elle se trouve un déguisement de cow-girl dont elle n'usera point trop ensuite. Cela reste un de ses plus grands tubes.

Les clichés y sont d'un niveau acceptable du fait d'une bonne adaptation, tandis que résonnent les guitares slide, fiddle, banjo etc. à point nommé pour un public français alors en pleine découverte de cette musique. On sourit à l'écoute du vers "ce n'est pas Venise que nous verrons, car les gondoles ça ne vaut rien", huit ans avant les disques de SHEILA en compagnie de son mari RINGO.

Bien sûr, il y a du léger excessif ("Il fait chaud", le rock'n'roll "Enfin réunis") mais aussi une poignée de morceaux réussis sur ce disque de la "petite fiancée des Français", dernier où elle exhibe ses couettes. À retenir, une très belle chanson méconnue appelée "Dans la glace" où elle dit se savoir trompée par son homme et sa meilleure amie, dans un esprit ballade mélancolique.