On ne change rien aux bonnes vieilles habitudes chez Brock & Co. Régulièrement, en fonction du sens des vents solaires, l'équipage du vaisseau interstellaire britannique change presque tout son personnel.
À l'aube des années 1990, exit ainsi le vétéran Huw Lloyd-Langton (guitare), compagnon de longue date de Dave Brock, qui ne sera d'ailleurs pas remplacé tout de suite. Harvey Bainbridge (claviers) demeure provisoirement encore à son poste, mais ça ne va pas durer longtemps.
Le violoniste Simon House, figure héroïque du HAWKWIND des années 1970, revient momentanément participer à l'aventure. À la batterie, c'est en revanche un certain Richard Chadwick qui prend le relais de Danny Thompson Jr. Il convient de le signaler, puisque Chadwick demeure encore de nos jours le batteur du groupe.
Mais le plus intéressant mouvement de troupes de ce nouveau tour de jeu concerne le chant. Oui, vous ne rêvez pas, mais c'est bien une femme qui occupe désormais la fonction sur cet album. Choix original de la part de HAWKWIND qui ne s'était jamais intéressé au chant féminin jusqu'alors. La nouvelle venue Bridget Wishart chantait dans un ancien groupe de Richard Chadwick.

Nous voici enfin face au premier album sorti par les Hawks durant cette nouvelle décennie, Space Bandits, à la pochette superbe réalisée par Joe Petagno, graphiste officiel de MOTÖRHEAD, reprenant certains codes de la pochette de Hall of The Mountain Grill (logo et vaisseau en arrière plan). On reste donc en terrain connu.
Mais, c'est pourtant un HAWKWIND assez différent de ses incarnations précédentes qui se fait jour ici. Evidemment, la voix de Bridget Wishart y est pour beaucoup. On pourrait cependant ajouter que le retour inattendu du violon interstellaire de Simon House au sein de l'équipe complète le tableau des éléments perturbateurs. Néanmoins, ce ne sont pas du tout des points négatifs. Au contraire, l'album y gagne une personnalité certaine qui le rend très original dans la discographie du groupe.

Le titre d'ouverture, "Images", se place cependant dans la continuité totale des deux précédents albums : un son space-rock très vif lorgnant l'énergie du hard-rock, un chant épique et des riffs intergalactiques reconnaissables entre mille. La partie centrale avec ses sonorités spatiales assez étranges rappelle certains des bons moments de Choose Your Masques (1982). Le violon psychédélique de Simon House y fait également des merveilles. Fabuleux.
L'électronique tribale de "Black Elk Speaks" se place au service d'une piste éminemment mystique, où la voix de Bridget Wishart se prend au jeu de la récitation de poésie spatiale, à l'instar de son prédécesseur Robert Calvert. Là encore, cela fonctionne, la piste se révélant envoûtante et prenante.
Le sommet de l'album est en revanche atteint dès le troisième titre, le monumental "Wings" : les claviers y sont magnifiquement utilisés, l'ambiance cosmique à souhait, aérienne et magique, et la voix de Bridget Wishart nous transporte toujours plus loin par-delà les galaxies. L'un des plus beaux moments de space-rock qui soient. Réellement sublime.

On enchaîne directement avec la face B, et son tonitruant titre d'ouverture, "Out of The Shadows". Les Hawks semblent revenir ici à l'énergie rock, proche du metal, que déployait avec brio l'album à l'Epée Noire de 1985. Dave Brock y refait fugacement une petite apparition vocale. Néanmoins, "Out of The Shadows" n'a pas le charisme d'une "Song of The Swords" ou d'un "Elric The Enchanter", même s'il dégage un certain charme de par ses aspects expérimentaux, insuffisant pour demeurer totalement convaincant.
L’envoûtant "Realms", moment onirique d'electro ambient aux humeurs changeantes, suscitera l'émotion par ses aspects 'ecclésiastiques'. Quoi, c'est déjà fini ? Eh oui, et la fin de l'album se révèle d'ailleurs très poussive et finalement assez foutraque : "Ship of Dreams", nouvelle bizarrerie signée Dave Brock, est à la lutte avec la piste finale, "TV Suicide", autre étrangeté signée par le bientôt démissionnaire Harvey Bainbridge.

Space Bandits n'est pas du tout un mauvais album, vous avez compris en me lisant que j'en dis le plus grand bien à de nombreuses reprises. Plusieurs passages en sont ainsi très réussis, et on peut sans nul doute affirmer qu'au tournant des années 1990, HAWKWIND possède encore de beaux restes. Rien que pour cela, cet album mérite amplement la moyenne. Hélas, il est plombé par une durée de vie bien trop courte (seulement 7 titres ?), et on aurait franchement voulu en entendre davantage.
La présence de Bridget Wishart était pourtant une idée vraiment très intéressante, qui aurait largement mérité d'être creusée sur les albums suivants. Il faut cependant croire que l'expérience n'a pas été jugée très concluante par Dave Brock car, exception faite des quelques albums live tirés de la tournée (le plus connu étant Palace Springs), ce sera l'unique album de HAWKWIND enregistré en compagnie d'une chanteuse.

Space Bandits demeure un disque frustrant puisqu'il nous livre certains des meilleurs titres jamais écrits par HAWKWIND ("Wings", "Realms"...) et nous abandonne lâchement en pleine ascension cosmique. C'est presque du vol. Les Bandits de l'Espace, vous dites ? Hmm...

Meilleur titre : "Wings" (probablement l'un des derniers grands titres jamais composés par HAWKWIND).