Tout un poème que de faire la biographie discographique de CHER ! Pensez donc, une des brunettes à frange les plus sexuelles de l'histoire de la musique, voici qui ne peut que proposer des surprises de taille ! Arménienne de père disparu très vite au volant de son camion, Cherylin part dès le tendre âge de 16 ans chercher la gloire à Los Angeles comme actrice et donc serveuse, son seul but étant de devenir célèbre. Et miracle ! Ses rêves se réalisent : remarquée par Sonny BONO, un des « aides « de Phil Spector, elle devient sa maîtresse de maison. Ne me demandez pas d'en dire plus, ceci ne pourrait pas paraître dans un zine musical ! Toujours est-il que la jeune femme est en bonne position pour devenir célèbre.

Elle débute dans les backing des RONETTES de "Be My Baby", puis SONNY commence à écrire de ses propres compositions. Très vite, ses connaissances dans le milieu lui permettent de monter le duo qui, après quelques atermoiements, se prénomme SONNY & CHER, comme il se doit. On devine que le compositeur-producteur double les capacités de vente très vite en lançant sa désormais compagne sur le marché. C'est pourquoi vous tenez entre vos mains le premier album solo de Miss Sarkisian.

Trois titres sont issus de la plume de Bob DYLAN qui incarne en 65 le sommet de la chanson américaine, et donc l'exemple à suivre, l'artiste à reprendre. Le belle voix de contralto fait merveille sur "All I Really Want To Do", l'unique single – à succès : 15ème du billboard -. On est évidemment tellement loin du filet de voix rauque de Bob ! Puis, nous avons une version de "Don't Think Twice", rock'n'roll et dansante, du genre saloon et cowgirl, c'est fait grâce à Cherylin. Bien plus rythmée que l'originale, "Blowin'In The Wind" est tout à fait agréable. On a connu de meilleures versions, mais celle-ci, vraiment honorable, reprend une autre figure de la folk, Pete SEEGER, avec "The Bells Of Rhymney", mais je ne trouve pas cette version convaincante une seule seconde.

Les influences anglaises sont aussi présentes : ainsi, Ray DAVIES des KINKS avec le classique "I Go To Sleep" qui sera popularisé par les APPLEJACKS. Bien sûr, l'organe vocal abat toujours un boulot considérable. Difficile de critiquer la voix de la belle brune. A noter qu'une autre brunette à frange la reprendra sous les traits de Chrissie HYNDE des PRETENDERS, alors mariée au leader des KINKS. Non, il n'y a pas de hasard, c'est le sommet de ce premier opus. "Girl Don't Come", reprise de l'oubliée Sandy SHAW et hit en Angleterre, me semble en revanche bien faiblarde. Quant à l'honnête "Come And Stay With Me" de Marianne FAITHFULL, elle convient fort bien à son registre.

BONO a donc évidemment glissé dans cet album quelques chansons originales. Il eût été dommage de se passer de quelques royalties bien méritées ! "Needles And Pins", très dans l'air du temps et à la jonction de plusieurs genres musicaux, sonne pop à donf. J'allais citer "Runaway" de Del SHANNON en comparatif, et l'Anglais a repris ce titre de BONO, quadrature du cercle, tout comme une bonne partie du show-biz, en vrac Jackie DESHANNON, Tom PETTY, les RAMONES, bref tous les styles ! Le rythme et l'ambiance sont comparables sur "Dream Baby", avec cependant une voix trop mixée en avant à mon goût. Certes, elle mérite notre attention, mais elle n'a nul besoin d'être surmixée. Enfin, "Cry Myself To Sleep" est l'une des bonnes surprises de ce premier album. Ce mid-tempo malgré de discrets canards lui permet de lancer quelques jolies intonations. On apprécie ainsi le rythme lancinant créé par SONNY à l'occasion.

Il nous reste "He Thinks I Still Care", à la base un must de country repris par Elvis PRESLEY, Anne MURRAY et Connie FRANCIS. Pas de prise de risques. L'ensemble manque cruellement de la vibe country et, pour cette fois, la voix ne le fait pas ! Quant à "See See Rider", qu'Elvis aimait tant à reprendre en live au détriment de ses grands classiques, elle manque de mordant, CHER ne s'y investissant que partiellement. On mettra cela sur le compte de ses vingt ans. Il faudra apprendre à être plus agressive, miss !

L'album parvient à la 16ème place du billlboard quelques semaines après le triomphe du premier SONNY & CHER. Bien entendu, SONNY est à la baguette partout, CHER se contentant de poser sa puissante voix. Quelques moments faibles inévitables pour un premier essai, mais l'ensemble s'écoute de manière sympa. Il fallait bien que CHER ait sa carrière en propre, son rêve de toujours, sa seule obsession. C'est chose débutée avec ce premier album honorable, même s'il n'a pas laissé une trace impérissable dans l'histoire de la musique et de la Goddess of pop.