Arf, pour son vingt-troisième opus, notre CHER se met en scène avec un serpent et une pomme. La tentation sera toujours présente physiquement, reste à savoir si la qualité reste de mise pour la musique ! L'artiste désormais chez Warner connaît pas mal de déboires de santé durant cette décennie des nineties. Contrairement aux idées reçues, il n'est pas si simple de rester au sommet une fois qu'on l'a atteint, la preuve avec notre belle Cherokee Arménienne qui oscille constamment entre le top et la relégation avec une discographie ponctuée de hauts et de bas conséquents. Nous en sommes à son 23ème album et à défaut d'autre chose, celui-ci a un concept : reprendre des chansons d'hommes à son profit tout en se les réappropriant. Pas simple !

Cinq singles ! Etrange choix que la reprise de Marc COHN "Walking In Memphis", titre à l'originalité débordante, confronté à la voix si spéciale de Cherilyn, mais elle se fait bien au classique si ce n'est cette manière personnelle qu'elle a de prononcer "Memphis", ceci associé à une batterie froide et un ensemble un peu impersonnel au final me fait largement préférer l'originale. Une 61ème du billboard, le suivant "One By One" atteint la 51ème place, pas génial cette reprise des Anglais de REAL PEOPLE, très pop avec une atmosphère langoureuse inhabituelle et un chant presque méconnaissable.

La guitare cristalline de "Not Enough Love In The World", reprise de Don HENLEY, me séduit plus, toujours en mode pop, mais ne plaira guère aux fans du monde entier. Nous voici maintenant confronté à une reprise des FOUR SEASONS, écrite par le grand Bob Gaudio pour son chanteur Frankie VALLI : "The Sun Ain’t Gonna Shine Anymore", gageons que les deux voix légendaires sont à des années lumière l'une de l'autre, mouais. Je préfère la version originale, même si CHER ne démérite pas. Enfin, nous avons la dansante "Paradise Is Here", cette fois c'est une resucée de Tina TURNER qui intègre le hot dance, ce qui va devenir une constante pour l'artiste. Bon, que dire ? Cinq reprises pour cinq singles.

Tout ceci est très calme : "I Wouldn’t Treat A Dog", plutôt laidback, oscille entre rock et tentations R'n'B. C'est la folkeuse Patty LARKIN qui a écrit "Angels Running", toute calme et contemplative. On retombe un brin dans une ambiance countrypolitan sur "I’m Blowin Away", mais ça reste écoutable tout comme "The Same Mistake" ou il manque juste un peu d'émotion. "The Gunman" est une chanson de PREFAB SPROUT, ce qui nous éloigne considérablement des éléments classiques de la musique de CHER. Mais l'ambiance est en mode R'n'B langoureuse. Le slow "What About The Moonlight" nous replonge dans les ambiances de ses albums passés.

Enfin, un peu d'action avec "Don’t Come Around Tonite", sur une gratte et un refrain très AOR bien sympa. "Shape Of Things To Come" est le seul titre un peu remuant de tout cet ensemble un peu statique. Ce titre éthéré possède une vraie originalité. D'autre part, il sort de la besace de Lol Creme, leader de 10CC, ceci explique sans doute cela, je retiens celui-ci ! Enfin, reprendre James BROWN, c'est déjà une chose. Mais reprendre "It’s A Man’s Man’s Man’s World". C'en est une autre ! Une tache impossible à mon sens. L'orchestration fait ce qu'elle peut pour donner le change, CHER chante de son mieux, mais voilà une démarche promise au désastre.

Il n'y a rien de foncièrement mauvais sur cet album, mais rien non plus de réellement bon, sans parler de mémorable. Tout est de bon aloi, et la chanteuse assure tout du long avec son brio habituel. Si j'étais sévère, je mettrai un deux pour manque de couilles et d'émotion en général, et si j'étais compréhensif, je dirais que cet album reste une écoute agréable sans prise de tête aucune. Je tique cependant sur toutes ces reprises en forme de single, et le James BROWN attise un peu de ressentiment autour de la tentatrice en cheffe de la musique populaire. Je choisis donc d'être sévère en me souvenant de la pochette de Prisoner, et voilà !