Malgré une activité débordante, le couple formé par SONNY and CHER bat de l'aile, et cela se ressent jusque dans leurs publications discographiques. Ce neuvième opus est donc le dernier de leur association. Quelques changements sont notables, la photo reste intimiste et met toutefois peu en valeur l'artiste, a set list elle, est en revanche composée de pas mal de titres issus du Great American Songbook, un changement de direction notable et une démarche qui cherche à recoller les morceaux avec le public américain. C'est sur la base du succès obtenu par son épouse lors des shows télévisés avec sa version de "My Funny Valentine" que SONNY choisit cet album de reprises des grands standards US. Un calcul qui peut de prime abord sembler judicieux.

Le mur du son à la Spector est en place, David Paich et Jeff Porcaro sont – déjà – dans la place et SONNY est cette fois seul derrière la console de production. Alors on débute fort avec du GERSHWIN plein les oreilles, avec "How Long Has This Been Going On" dont résonne encore les versions de Ella FITZGERALD et de Bing CROSBY, mais la voix de CHER le fait fort bien sur cette resucée, une bonne surprise. On sera plus surpris par la tentative de modernisation de "The man I Love" qui ne sonne plus du tout 1927, et comme Billy HOLIDAY et Sarah VAUGHAN sont déjà passées par là, c'est plus complexe, le pari était ardu. Puis on échappe difficilement à Judy GARLAND sur "The Man That Got Away", pas simple tout ça.

Je retiens évidemment quand à moi la merveilleuse version d'Eddie COCHRAN de "Am I Blue", et parmi la multitude d'artistes féminines l'ayant faite, celle ci demeure invisible, on privilégiera Dinah WASHINGTON. "By Myself" n'a pas laissé de traces indélébile – même si la version de Leonard NIMOY reste une curiosité – et la chanteuse ne la sortira pas de l'anonymat. "More Than You Know" sonne mieux nanti de ses aspects modernisés, la version définitive restant celle de Barbra STREISAND. La "I Got It Bad And That Ain't Good" de Duke ELLINGTON reste la propriété de Peggy LEE. La superbe "Why Was I Born" est assez réussie, mais comment s'aligner face à Frank SINATRA ou Ella FITZGERALD ? Enfin, CHER qui tente de rendre justice à Al JOLSON sur un medley de 4 minutes ? bah on se croirait un samedi soir chez les Carpentiers pour ceux qui ont connu cette époque. C'est taillé pour la télé, mais certainement pas pour un disque.

On a bien entendu très envie de noter les chansons, qui toutes jouxtent le cinq étoiles. Mais rares, rares sont ceux qui ont réussi le tour de force de s'adapter aux classiques en leur donnant une touche originale sans pour autant les dénaturer. CHER fait dans l'hommage sobre et le plus souvent colle à la version de base. On ne peut donc pas noter la performance vocale seule non plus, et elle est bonne. L'ensemble n'a pas une mauvaise tête, mais reste enfoui sous une pile de concurrence difficile à surpasser. Je choisis donc de mettre un deux pour le manque d'imagination. Essayez tout de même "Why Was I Born" avant de fermer la porte.