Un juteux petit filon vient de percer dans l’esprit retors des patrons de RCA : le précédent opus d’Elvis, Flaming Star n’était rien d’autre qu’une B.O sortie plusieurs années après la parution du film. Qu’importe ! Ce brave Elvis s’est suffisamment ridiculisé pour que nos philanthropiques hommes d’affaires puissent un peu plus se remplir les poches. Il va donc s’ensuivre plusieurs disques entièrement dévoués à la cause des oubliés des sixties. Nous y constaterons même la présence –bien tardive- des titres de Viva Las Vegas sur l’album C’mon Everybody, un must tout simplement, mais il faudra encore attendre un peu.

Les 39ème et 40ème albums du King of Rock’n’roll Elvis PRESLEY sont donc des resucées de B.O, mais la plupart des titres présents ne sont jamais sortis en L.P. C’est une subdivision de la maison mère RCA - Camden- qui prend en charge les destinées commerciales de ces opus, censés être 'secondaires'. Voici donc le premier de ces deux albums 'jaunes'. La pochette ne laisse guère de place à l’erreur, l’ambition est clairement à la baisse. L’opus paraît en avril 1970. Il n’intégre même pas le prestigieux top 100 américain, mais -comme tous les albums du King- se voit certifié platine. N’ayons pas peur des mots : cet album, comme le suivant, représente pour RCA une manne financière supplémentaire sans pour autant être une nouveauté. Le procédé peut choquer, mais tel est le prix à payer pour avoir entre les mains quelques chansons inédites du King.

"Stay Away Joe" est le titre éponyme du même film et ne présente qu’un attrait modeste. "If I’m a Fool" reprend les thèmes mille fois utilisés depuis le début de carrière d’Elvis et l’ennui nous submerge assez rapidement, d’autant que notre superstar a l’air de s’emmerder royalement. Le ton crooner qu’il emploie dans "Almost" provoque une petite surprise dans les tympans d’auditeurs peu habitués à ce traitement, mais disons que ce n'est pas si mal ! En tout cas, un titre vraiment méconnu d’Elvis, c’est déjà une bonne surprise. "Mama", très courte complainte, provient des sessions de Girls Girls Girls, plus de 7 ans auparavant. On y retrouve le ton pacifien du film dont la B.O est la meilleure des sixties, mais la chanson n’a rien de bien mémorable.

"Change of Habit" a le mérite de montrer Elvis aux prises avec un titre moderne, même s’il n’est pas phénoménal. Le film est l’un des rares à surnager. Pour une fois, le King n’y joue pas un dragueur impénitent, mais un docteur confronté à la détresse humaine. Il n’y chante que le morceau titre ainsi que le poppy "Have a Happy" qui ne restera pas non plus dans les mémoires. "Let’s Be Friend" le titre, possède un petit côté country assez touchant, donnant envie de l’écouter en entier, ce qui n’est pas si mal non plus. Un piano original accompagne avec nostalgie ce joli slow. Dans le même esprit, "I’ll Be There" est assez agréable, petite reprise d’un oublié des fifties, le regretté Bobby DARIN. "Let’s Forget About the Stars" est sirupeuse et sans relief.

Bref, l’ensemble ne présente un réel intérêt que pour le fan pur et dur. Nous sommes bien loin de la qualité d’un Elvis Country pourtant pas si lointain dans le temps. Mais cet ensemble hétéroclite n’est rien d’autre qu’une compilation de morceaux inconnus. Jamais je ne conseillerai, à ceux voulant découvrir la période de la fin des sixties du King, de débuter par cet album finalement terne et sans saveur, totalement anecdotique. Il ne s’adresse qu’aux collectionneurs, ceux pour lesquels la valeur intrinsèque d’un disque s’adresse au cœur et non aux oreilles.