V'la-t-y-pas que me voilà forcé de réinvestir la De Lorean de Marty McFly et de revenir vers 1960, pour le douzième album du King, alors toujours au sommet de son art ? Je suis donc un poil circonspect, les souvenirs gospelisants s’en sont allés comme ma virginité -très tôt-, et je redécouvre finalement avec vous ces vieux disques oubliés. Pas si sûr cependant qu’ils soient bons pour la prochaine partie de Ball trap.
Dès le départ, Elvis ressent un véritable attachement à la musique d’église de son enfance, c’est d’ailleurs là qu’il a appris à chanter. Ado, il s’en servait pour chauffer sa voix, excellent exercice. Il a toujours souhaité faire cet album, s’en est ouvert au colonel qui trouve l’idée géniale. Pensez-donc, cela lui permettra de rentrer dans les foyers traditionnels de ses compatriotes, les admirateurs du Ku Klux Klan, les dingos de Dieu. Ah nom de Zeus, tout est présent pour faire craquer ceux qui vilipendent Elvis et ses déhanchements suggestifs. En outre, en 60, Elvis s’est considérablement assagi.
Pour montrer l’attachement du King à ces chansons, nous sommes en la possession d’une preuve irréfutable, il a tout enregistré en une session marathon de 14 heures. Si c’est pas du talent, ça ! Malgré la musique très différente, toute la joyeuse équipe des musicos est là : Scotty Moore en tête et Dalla Fontana derrière les fûts.

La version rock'n'roll de "Swing Low Sweet Chariot" est méconnaissable pour qui vénère le foot britannique, dont c’est l’hymne total, mais elle est excellente. "I’m Gonna Walk dem Golden stars" est dans le même registre. Les thèmes rock mettent toujours une ambiance de folie dans les églises -pensez-y lors de votre prochain séjour à New York, choisissez une église d’Harlem connue pour swinguer, on se croirait à un concert. Le ton rythmé de "Joshua Fit the Battle" en fait un must de l’album. Certes, c’est un chant religieux, mais il est sacrément sympa. "Milky White Way" est carrément étonnante : un mix des débuts du king avec une vraie guitare folky qui tue et un chant doo wap de superbe allure, sans doute le meilleur titre de l’album. "Working On the Building" narre les aventures des constructeurs de gratte-ciel. Elle est franchement sympa, tant et si bien qu’on a envie de chanter les reprises à tue-tête avec Elvis et les Jordanaires.

Admettons qu’il y a tout de même pas mal de dégoulinades pianistiques, comme "If We’ll Never Meet Again", "Known Only to Him", "In My Father’s House" -où le baryton des Jordanaires s’en donne à cœur joie- ou "Mansion Over the Hilltop" mais les mélodies restent belles, et on se sent même à côté de Laura et Mary Ingalls dans la petite église blanche de La petite maison dans la prairie. L’éponyme "His Hand In Mine" porte même ce sentiment à son paroxysme, mais ce n‘est vraiment pas désagréable. Bon, pour les fans de BURZUM, ce n’est pas ce que je recommanderais de plus pressé, mais c’est de la zique cool et agréable.

Et voilà, le premier essai d’Elvis dans le registre du gospel est loin d’être ridicule. Comme quoi, les idées reçues ont la rancune tenace, je n’avais pas écouté ce skeud depuis une éternité alors qu’on y trouve de jolies choses originales. Allez, je me relance cette version rocky de "Swing Low Sweet Chariot". Et je prévois une séance d’orties fraîches ce soir pour avoir douté de mon King.