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Hugues AUFRAY - Chacun Sa Mer (1999)
Par MARCO STIVELL le 10 Mai 2020          Consultée 1761 fois

À force de chanter des chansons de cow-boys, des ballades folk réalistes ou de rendre hommage à DYLAN, aussi réussies que puissent être ces oeuvres pour certaines, le Hugues AUFRAY marin, celui qui s'est fait connaître largement avec "Santiano", nous avait quelque peu manqué. En cette fin de siècle, alors que s'ouvre une nouvelle grande page de l'histoire et au moment où le chanteur fête ses 70 ans, l'occasion était belle d'y revenir.

Chacun Sa Mer, édité chez Wagram, est non seulement un travail en grande partie inspiré par l'amour des flots, mais de plus, un disque très breton pour Hugues AUFRAY. Il fallait s'y attendre, grâce à la thématique choisie et en voyant la tracklist au verso, avec non pas une mais deux adaptations de "Pe trouz war an douar", chant de Noël célèbre au pays d'Alan STIVELL.

Album breton donc avec des chansons comme "Y a quatre marins", un hanter-dro (danse à trois temps du pays vannetais), celtique par extension grâce à "La gigue des presque rien" – rythme de reel plutôt que de jig ! -, "La ballade de Molly Malone" et "Chacun sa mer chacun son vent", mieux connue sous le nom de "Dirty Old Town", traditionnel irlandais dont les POGUES ont fait un tube.

L'instrumentation est riche en claviers, guitares acoustiques et percussions diverses, tambours de bagad et de pipe-band compris. Des cornemuses, bombardes, flûtes irlandaises et sons de harpe bardique se mêlent à un ensemble qui se révèle vite comme l'un des plus fins et des plus beaux entendus sur un album de Hugues AUFRAY.

La beauté vient aussi de cette tendance à conjuguer cet univers avec des textes inquiets, pour ne pas dire catastrophistes à l'arrivée du nouveau millénaire. Les paroles de "Mais ça n'était qu'un jeu", où le chanteur scande toutes les bassesses de la nature humaine depuis Cro-Magnon, ornées d'un refrain aussi efficace et une musique aussi chaleureuse, est un contraste saisissant.

Que dire de cette magnifique introduction "Quel est ce grand vacarme ?", où les bruitages oppressants résonnent dans les nappes de synthé aériennes et tin whistles, sinon que c'est poignant ? Une complainte pour les personnes éxilées, les migrants. Tout n'est pas sombre non plus, "Le siècle des enfants", chanté avec des petits, se veut optimiste, et c'est aussi un rayon de soleil.

À côté, la légèreté d'une chanson à boire comme "Chacun sa mer..." avec force choeurs, évoque le SOLDAT LOUIS le plus convivial. L'histoire des quatre marins affrontant la tempête, sauvés de justesse mais devant repartir le lendemain, fait intervenir accordéon, bombardes... Ces dernières jouent aussi sur la version traditionnelle de "Pe trouz war an douar", la gwerz va bien à AUFRAY !

Il envoie une décharge aux politiciens, aux juges etc. avec "La gigue des presque rien", chante une louange à la paix et milite pour que les guerres s'arrêtent dans "Fichez-nous la paix" avec un bon caractère breton, d'une manière à la fois simple et qui nous gagne, autant que les fiddle, banjo, cornemuse.

Magnifiques rêveries, "Un arbre m'a dit" et "La ballade de Molly Malone" ont de quoi donner des frissons chacune à sa manière avec l'idée d'escapades dans la nature, de légendes. Sur la seconde, peut-être selon votre histoire et comme miroir au passé, vous sentirez-vous en retour cet homme aimant et attendant une femme qui vit de voyages, dans la tradition de l'air irlandais ?

Et ce n'est pas tout, Chacun Sa Mer possède une face cachée de deux ou trois chansons plus espagnoles que bretonnes, mais avec une autre forme de magie, de nostalgie. "La sévillane", "La nuit des conquistadores", que ce soit une séparation de parents ibères ou un soldat perdu dans la jungle, ces tableaux savent nous convaincre par leurs touches flamenco, y compris dans le chant.

Autre gros coup de coeur : "L'eau de ta bouche" et sa sensualité incroyable, de la part de notre folkeux septuagénaire désormais. Quelle classe ! Et ces paroles, "ce soir, au puits de ta vie, je veux me noyer", l'eau, toujours l'eau ; et cette fin ouverte où les guitares remontent... Ecoutez les partitions d'orgue sur les quatre derniers morceaux, soit gospel, soit religieuses à l'européenne.

Un de mes albums favoris de Hugues AUFRAY. Une oeuvre qui brille en étant à la fois personnelle et large, diversifiée et habituelle pour l'éternel troubadour, usant d'arrangements ciselés au sein d'une grande influence de son époque, puisque le revival celtique bat toujours son plein en 1999. Une réussite totale.

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   MARCO STIVELL

 
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1. Quel Est Ce Grand Vacarme ?
2. Fichez-nous La Paix
3. La Gigue Des Presque Rien
4. Y A Quatre Marins
5. Chacun Sa Mer Chacun Son Vent
6. La Ballade De Molly Malone
7. Mais ça N'était Qu'un Jeu
8. Un Arbre M'a Dit
9. La Nuit Des Conquistadors
10. La Sévillane
11. L'eau De Ta Bouche
12. Au Jardin De Mon Pays
13. Le Siècle Des Enfants
14. Quel Est Ce Chant Si Pur ?



             



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