Il fallait bien que Garlick (1972) soit une étape courte dans la carrière de Hugues AUFRAY. En l'absence de tube, difficile de faire autrement ! Sans doute sommé par Atlantic, sa nouvelle maison de disques à diffusion massive, et grâce à Nicole, album de 1973, voilà l'artiste revenu à un son plus orienté vers le grand public, y compris celui du milieu des années 60 qui l'a tant soutenu.

Sans surprise et pour mieux convaincre, le tube est placé en ouverture. "Hasta Luego" est l'un de ces textes optimistes, "motivants" comme l'était "Debout les gars", avec le même parfum marin flottant et revigorant, le goût d'aventure... Les influences latino-antillaises sont perceptibles, les flûtes à bec s'ajoutent de bonne grâce aux côtés d'une guitare électrique, de choeurs féminins "papapa" visant à rappeler la grande époque des yéyés. Avec une mélodie efficace en prime, ça fonctionne, et encore aujourd'hui, "Hasta Luego" reste mémorable parmi les singles tardifs de Hugues AUFRAY.

Ce titre a été écrit en compagnie de Claude Morgan (qui a publié quelques 45 tours dans les années 60, travaillera ensuite avec DAVE, Michel DELPECH etc), mais aussi, surtout, la parolière Vline Buggy dont AUFRAY était si bon partenaire une décennie plus tôt. Retour d'autant mieux marqué que Buggy participe aux meilleures chansons du disque, figurant presque toutes sur la première face. Il serait difficile de ne pas fondre à l'écoute de "Ma tourterelle s'est envolée", chanson de séparation qui use de métaphores d'oiseaux. Du beau folk latin à base de guitares et de mandolines, avec encore des flûtes à bec.

Dans une moindre mesure car un peu trop répétitive, il y a aussi "Les bords du Rhin", co-écrite avec Buggy mais aussi Christian Chevalier, autre ancien. Une ritournelle "populaire" d'amour léger sur fond de géographie allant de Strasbourg à Mayence, peut-être dans l'esprit de réconciliation. Jean-Pierre Sabard, arrangeur du disque, habille le tout d'effets baroques sur claviers novateurs, notamment un piano/clavecin RMI en vogue, chose plutôt chouette. Quant à "La taverne des morutiers", chanson à boire, elle use d'une orchestration de type fanfare mais avec du banjo, des guitares à effet chorus. C'est une collaboration avec Hughes De Courson, qui ne va pas tarder à intégrer MALICORNE et qui joue déjà ici d'un peu de cromorne. Plus 70's, tu meurs !

Après un "Aïko-Aïko" country et convivial, sans pour autant être essentiel, vient la seconde face du vinyle où toute la bonne sauce retombe. C'est un peu le syndrôme Avec Amour, disque 100 % variété publié par Hugues AUFRAY en 1970, mais à un degré moindre. Les chansons baignent dans la douceur ballade ou le jazz smooth, piano et cordes en avant. Cela reste mignon, dans le cas de "Dimanche au bord de l'eau", "Aime-moi" et "Toi ma fille pour l'été", avec des thèmes voire des paroles prévisibles. Pour la seconde et la dernière même, un banjo puis une guitare slide viennent souligner le chant d'AUFRAY.

Jolies, tout comme "La porte du bonheur" qui aurait pu mieux passer sans voix double, mais sans marquer plus que cela. Heureusement, à la fin du disque, on peut se montrer plus clément avec "Nicole", écrite par AUFRAY avec Georges Augier De Moussac (plus tard auprès de Francis CABREL, etc). Il y a là une belle alternance des deux genres dominants sur cette face B, des couplets jazzy et un refrain slow. Malgré ces éléments communs et toujours variété dans ce qu'elle a de plus grand public, comme les paroles, c'est de la belle ouvrage. Pas de quoi faire de ce disque un chef d'oeuvre, mais au moins, la moitié des chansons s'écoute avec un certain plaisir, le reste gentiment !