Pour son premier album distribué par le label Mercury/Universal, Hugues AUFRAY choisit de rendre hommage à Félix LECLERC, le père du renouveau de la chanson québecoise, qui a inspiré tant de stars francophones outre-Atlantique depuis les années 1960-70. À noter que cette expérience fait directement suite à celle de François BÉRANGER qui a enregistré un disque similaire juste avant de décéder, fin 2003, soit un an plutôt.

L'oeuvre de BÉRANGER est marquante à plus d'un titre car sans rouler les "r", il s'est contenté d'un registre acoustique fidèle aux versions d'origine, tandis que Hugues AUFRAY fait preuve d'audace en réochestrant le tout, alors qu'il convainc moins dans ses interprétations.

L'accordéon est permanent comme le veut l'usage, on attendait en revanche moins les guitares autres qu'acoustiques et parfois saturées, les effets blues-country et divers visant à moderniser la chanson de LECLERC, celle des années 50, en rupture avec la montée du rock'n'roll et la pop, comme BRASSENS le faisait encore chez nous.

On retrouve des standards extraits des trois ou quatre premiers albums de l'artiste québecois, comme "Moi mes souliers", "Bozo" (titre très "ménestrel"), "Le petit bonheur"... BÉRANGER les a lui aussi repris, ce sont des cartes de visite et cela s'entend. Ce sont aussi les titres que Hugues AUFRAY interprète le mieux.

La version de "Notre sentier" (déchiré par les labours) est belle et restitue la fragilité du texte, mais on s'attendait moins à une musique folk brumeuse à gros moyens dans le ton de Mark KNOPFLER à l'époque. Le mariage est réussi, à l'image du banjo et de l'accordéon pour les phrases croustillantes de "Attends-moi 'ti-gars'", la pedal-steel et le ukulélé pour les sonorités exotiques de "La mer n'est plus la mer".

L'ambiance de "Tirelou", la poésie du "Bal", la dureté de "La chanson du pharmacien", les textes "romance altérée" (par le temps, l'infidélité) de "Ce matin-là" et "Dialogue des amoureux" nous prennent tous au tripes. Toutefois, on constate que plus le disque avance, plus une certaine forme de monotonie s'installe et Hugues AUFRAY semble moins "impliqué" dans son chant. La parenthèse reste agréable, comme l'occasion de redécouvrir un artiste majeur du Canada francophone.