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Hugues AUFRAY - Autoportrait (2020)
Par MARCO STIVELL le 18 Juillet 2020          Consultée 2219 fois

90 ans, presque 91. On ne dira jamais assez combien le grand âge auquel Hugues AUFRAY est parvenu ne déteint guère ou si peu sur lui, ni son envie de faire de la musique. Tout le monde s’accorde là-dessus. Certes, l’activité discographique s’est ralentie de manière considérable, avec un seul album (Troubador Since 1948) publié en 2011 pour cette dernière décennie. Cependant, à l’écoute d’Autoportrait, on pense que ce n’était que pour mieux revenir ! Le titre et la pochette sont, volontairement ou non, un hommage à Bob DYLAN qui avait sorti en 1970 (il y a 50 ans donc), l’album Self Portrait avec une peinture de lui-même. Nul besoin de se forcer à reconnaître que le troubadour français réussit bien mieux l’exercice, avec une œuvre réalisée à la fin des années 90.

Enregistré entre février et juin de cette année, Villejuif en banlieue parisienne (studio La Batta-mobile) et Londres, Angleterre (les mythiques studios Abbey Road !), ce dernier opus du vétéran folk français est, une nouvelle fois, très américain, comme tous ses disques depuis le début des années 2000 à divers degrés. Comme c’est le cas depuis New Yorker (2009), Hugues AUFRAY se concentre sur des reprises, de lui-même comme le suggère l’autocollant sur le blister entourant le disque, mais aussi de standards, titres bien connus du style que l’on appelle "americana", melting-pot de tous les folklores réunis sur le sol des Etats-Unis au cours de leur histoire.

Bruce SPRINGSTEEN avait adopté cette démarche il y a une quinzaine d’années avec le (Pete) SEEGER SESSION BAND et l’album We Shall Overcome (2006). Parallèle plutôt simple quand on voit que non seulement Hugues AUFRAY a grossi son orchestre guitare/banjo/violon/orgue/accordéon avec des chœurs et des cuivres permanents pour l’enregistrement d’Autoportrait, en suivant la ligne musicale de 2011, mais qu’en plus, la plupart des titres folkloriques émanent du répertoire de Pete SEEGER et sont communs avec l’album du Boss SPRINGSTEEN. Grande différence toutefois, "John Henry", "(Old) Dan Tucker", "Erie Canal", "O Mary Don’t You Weep" et "Pay Me My Money Down" se voient traduits en langue de Molière.

Une fois encore depuis 1965, chacun trouvera à redire ou simplement apprécier le passage d’une langue à l’autre, avec les pièges mais aussi les bonnes surprises, sachant que AUFRAY reste proche du sens original des chansons. Preuve flagrante avec l’excellent "Marie ne pleure plus" ("O Mary Don’t You Weep"), gospel moins célèbre que "Let My People Go" mais dans la même mouvance, tournée vers l’Ancien Testament et dédiée au peuple juif, libéré de l’emprise égyptienne.

Les chœurs comme les cuivres y sont splendides, on a moins l’impression de lourdeur sonore présente chez SPRINGSTEEN en 2006. L’énergie de "Ah !", de "Dan Tucker", de "Paie-moi ce que tu me dois"/"Pay Me My Money Down", toute communicative, parfois cocasse dans les paroles, oscille entre musiques cajun, zydeco et country. "John Henry", même en français, ne perd rien de sa force : il s’agit d’un héros américain presque mythologique servant de base à une critique des travailleurs Noirs traditionnels qui voient l’arrivée de la vapeur au XIXème siècle leur prendre tout.

Le son est chaleureux, plus "propre" selon qu’on se trouve à Londres ou Villejuif. L’accordéon fait danser, le banjo déroule ses arpèges, la trompette bouchée ou le sax soprano s’écartent sans trop s’éloigner, la batterie joue avec panache… Tous sont des musiciens français, certains accompagnateurs d’AUFRAY depuis longtemps. De manière ultra touchante, "Sur les péniches de l’Erie Canal" voit le chanteur en "échange téléphonique" (période de confinement oblige) avec Zemphira Connolly-Akoka, son arrière-petite-fille irlandaise de 8 ans à peine. D’une très belle tenue vocale à 90 printemps, il lui dit "pour toi on chantera ‘Santiano’ de Albany jusqu'à Buffalo"…

Sous la direction de Christophe Battaglia et du guitariste Max Pol Delvaux, on rencontre le guitariste Christian Séguret et le bassiste Laurent Vernerey, l’harmoniciste Christophe Dupeu qui avait fait des merveilles sur un autre disque authentique, Lorada de Johnny HALLYDAY en 1995, tout comme le guitariste breton Gildas Arzel présent ici en tant que choriste avec ses enfants Kilian et Nolwenn. Il y avait alors aussi un certain Jean-Jacques GOLDMAN qu’Hugues AUFRAY apprécie beaucoup et dont il a fait naître l’amour du folk comme à beaucoup d’autres en France. On retrouve certains anciens collaborateurs de GOLDMAN : le trompettiste Christian Martinez et surtout le saxophoniste Christophe Nègre.

Et puis c’est avec Michael JONES que se fait l’autre duo du disque, une splendide reprise de "Stewball", valse folk à l’histoire tragique du cheval de course qui a marqué les Français depuis les années 60, puisque les self-reprises sont aussi à l’honneur. On note d’ailleurs d’excellents ré-arrangements des vitaminés "La soupe à ma grand-mère" et "Le Bon Dieu s’énervait", sans enfants contrairement au disque de l’année 1994. Pareil pour "Hasta Luego", au rythme plus country que latino cette fois.

Jean-Pierre Sabar(d), vieil ami de AUFRAY, un peu plus jeune et absent de l’enregistrement pour la première fois depuis longtemps, se voit dédier l’album. Le piano bastringue comme l’orgue Hammond n’en sont pas moins à l’avenant ("Dan Tucker" etc), grâce au jeu de Yoan Dalgard. Quant à Hugues AUFRAY, son chant est aussi impeccable, espiègle et émouvant qu’il y a vingt ans ; à deux ou trois reprises même, on voit avec plaisir qu’il peut toujours envoyer avec vigueur !

Dans ce disque aussi excellent qu’inattendu, on trouve deux moments d’orfèvre, plus intimes. "Y a un homme qui rôde et qui prend des noms", seul titre original du disque, chanson blues funeste, avec dobro de JONES, guitare et harmonica, sur la montée du Ku Klux Klan à la fin du XIXème siècle et le lynchage de l’ouvrier Noir Jesse Washington en 1916, qu’AUFRAY dédie à… Georges BRASSENS ! Ensuite, "La Matilda" ("Waltzing Matilda"), pas aux U.S.A. mais en Australie cette fois, air traditionnel puisant dans l’époque où une partie de cette terre constituait un bagne pour les Européens et notamment des Ecossais, nationalité de Banjo Paterson, son auteur. Une merveille conduite par notre troubadour vétéran avec profondeur, picking folk et arrangements soignés.

Non, il n’a pas tout dit !

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   MARCO STIVELL

 
  N/A



- Hugues Aufray (chant)
- Christophe Battaglia (choeurs, tambourin, direction musical)
- Max Pol Delvaux (guitares acoustique et slide, dobro)
- Christian Séguret (guitare acoustique, banjo, fiddle, dobro)
- Fred 'diego' Alfonsi (batterie)
- Laurent Vernerey (basse)
- Yoan Dalgard (piano, orgue hammond b3)
- Alexandre Léauthaud (accordéon)
- Christophe Cravero (violon)
- Christophe Dupeu (harmonica)
- Michael Jones (chant, dobro, guitare électrique)
- Cyril Tarquiny (guitare acoustique)
- Christophe Nègre (saxophone)
- Christian Martinez (trompette)
- Fabien Cyprien (trombone)
- Bastien Still (hélicon)
- Zemphira Akoka-connolly (chant)
- Gildas Arzel (choeurs)
- Nolwenn Arzel, Kilian Arzel (choeurs)
- Anne Vally, Georges Sera (choeurs)
- Jessica Tsogo, Sara Seba (choeurs)
- Jacques Douglas Mbida (choeurs)
- Marion Capuano, Murielle Megevand (choeurs)


1. Paie-moi Ce Que Tu Me Dois
2. Sur Les Péniches De L'erie Canal
3. Ah !
4. La Ballade De John Henry
5. La Matilda
6. Dan Tucker
7. Le Bon Dieu S'énervait
8. Marie Ne Pleure Plus
9. La Soupe à Ma Grand-mère
10. Stewball
11. Hasta Luego
12. Y A Un Homme Qui Rôde Et Qui Prend Des Noms



             



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