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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  E.P

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Hugues AUFRAY - Santiano (1961)
Par MARCO STIVELL le 1er Septembre 2019          Consultée 1301 fois

Attention, chronique très nuancée !

Il était difficile de faire autrement en voyant que Hugues AUFRAY, sur son dernier E.P. important avant le passage aux L.P's/33 tours (de quatre titres à plus d'une dizaine donc), hésite entre des choses bien différentes en ce qui concerne le style comme la réussite finale. À cette époque, il n'est plus soutenu par Jean Bouchéty mais par Jean-Pierre Sabard, futur musicien arrangeur de Serge GAINSBOURG, Jacques DUTRONC, Maxime LE FORESTIER.

Commençons par le titre qui peut poser le plus de problème : "Georgia". De son vrai nom "Georgia On My Mind", standard jazz/soul qu'on ne présente plus, écrit par le prodige Hoagy CARMICHAEL et immortalisé par l'immense Ray CHARLES. Avec des paroles de Jacques Plante, l'interprétation de AUFRAY pourrait être touchante, si son caractère boiteux ne dérangeait pas tant. Voilà qui ne va pas redorer le blason des Français adaptant les Américains... Le chanteur a voulu remettre un costume qui semble bien étriqué ici.

Guère meilleure, la ritournelle typiquement yéyé de "Mille rayons", nouvelle chanson dédiée au soleil et à la bonne humeur, un peu comme la dernière du troisième E.P. Tucumcari, du même acabit. Pourtant écrite à trois mains, par Danyel GERARD, Ralph Bernet (parolier de Johnny HALLYDAY) et Claude Carrère (futur protecteur de SHEILA) !

En revanche, mis à part ce dernier, les deux autres créent "Notre rivière" pour Hugues AUFRAY, nouvelle chanson dédiée à l'enfance. Du rock'n'roll made in France à fond mais très curieusement plutôt bonne. J'ai du mal quand les choeurs féminins et ceux des hommes se mêlent ainsi, dans un rayon d'octave juste (autrement dit, un peu trop léger et lisse mélodiquement parlant).

Tout cela n'est rien, ou presque. Seulement deux étoiles de Forces Parallèles enlevées à ce qui pourrait avoir la note maximale !

Car le morceau de choix, le plus important, et qui pourrait résumer une carrière à lui tout seul, vous l'aurez compris, nous n'en avons pas parlé jusque là. "Santiano" est plus qu'une tentative de se sortir du jazz, de la variété yéyé et même du folk country américain. C'est le plus grand tube d'Hugues AUFRAY, et un morceau aussi déterminant qu'emblématique dans l'histoire de la chanson française.

Le groupe américain universitaire THE HIGHWAYMEN sous la houlette de Dave Fischer (au plus fort de son succès dans ces années-là), adapte une chanson traditionnelle appelée "Santianna" ; puis, en France, Jacques Plante met ses propres paroles sur cette "Santiano". Elle puise son origine au milieu du XIXème siècle dans la guerre d'indépendance du Mexique sous l'influence du général Santa Anna et face à la domination espagnole. Les marins anglais l'entonnaient régulièrement pendant leurs besognes en haute mer et c'est censé être une chanson plutôt lente, une "shanty", véritable "work-song" pour se donner courage. Hugues AUFRAY l'enregistre à la fin de l'automne 1961, dans un style qui le rapproche à la fois de la version du KINGSTON TRIO sur leur premier album de 1958 pour le tempo et pour le reste, plus près de chez nous, Georges BRASSENS.

Et pour cause, la formule musicale n'a rien à voir avec ce qu'il a fait jusque là. Grâce à Jean-Pierre Sabard et aux autres musiciens, le côté minimaliste joue en faveur de ce qu'il y a de mieux : arpèges à deux guitares acoustiques qui chantent la mélodie au début, seules, avant de lancer une "pompe" dans le plus pur style folk gitan. Loin d'Europe de l'Est, avec une contrebasse et une batterie.

Là où BRASSENS nous aurait collé une histoire moitié grivoise moitié rigolote ou des mots poétiques en hommage aux abords de la Méditerranée qu'il connait bien, Hugues AUFRAY, que ce soit pour l'armée ou non, chante l'amour pour "son" bateau (qui serait la goélette Bel Espoir II), la mer, l'aventure, la femme aussi. Des mots qui peuvent rallumer vite des étoiles dans les yeux des enfants, petits ou grands, toujours, comme c'est le cas depuis des siècles. Et puis en fait de mer, on pense à l'océan, plus large, infini. Accords de guitare : mi mineur, ré majeur... L'enfance de l'art. "C'est un fameux trois mâts, fin comme un oiseau, hisse et ho ! Santiano..." Merveilleux !

AUFRAY est accompagné d'un choeur d'hommes qui lui répond, sur un rythme entraînant qui garde la profondeur originelle, dans un style tout à fait en marge de l'époque. Une folk envoûtante, inspirée de l'américaine certes mais moins terrienne (sans blague !), qui renvoie à nos rivages européens. La ville de Saint-Malo rime avec celle de San Fransisco ; comment alors ne pas fondre lorsqu'en plus de cette évasion, on réveille une forme d'identité "au plus près de nous" ? Pour toute la France à l'époque, la Bretagne c'est "La Paimpolaise" de Théodore BOTREL, point. En 1961, AUFRAY précéde Alan STIVELL et tous les autres. L'arpège mélodique des guitares au début pourrait très bien venir d'une harpe celtique, mais ceci est une autre histoire...

Le succès ne se fait pas attendre, immense, sans précédent. Le chanteur et la chanson sont en tête des ventes, À la radio, à la télé, dans les feux de camps, les communions, les marches militaires etc, tout le monde se les arrache et cela ne fait que commencer !

Hugues AUFRAY a enfin trouvé sa voie, en cette fin d'année 1961, dans les semaines qui suivent les débuts de Bob DYLAN à New York et quelques mois avant que celui-ci ne sorte son premier album. Le folksong est celui où son chant décrit comme si particulier obtient le meilleur écho, tout cela grâce à "Santiano". Sans elle, pas de "Tri Martolod", de "Dès que le vent soufflera" (jusque dans les paroles), de "Du rhum des femmes"...

Cet esprit à la fois populaire, aventureux et musicalement efficace, terriblement, on ne saurait s'en lasser. AUFRAY pourra la chanter pendant des décennies, faire de nouvelles versions, on garde toujours en tête cette magnifique et grande première, riche de ses arrangements mesurés et de son caractère précurseur, pourtant empreinte d'un esprit séculaire simplement remis à neuf. Et cette chanson, même entendue un million de fois, on l'écoute avec du bonheur, des frissons...

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   MARCO STIVELL

 
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- Hugues Aufray (chant, guitare)
- Jean-pierre Sabard (piano, arrangements, direction)


1. Santiano
2. Notre Rivière
3. Georgia
4. Mille Rayons



             



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