Après plusieurs albums des plus erratiques, Giorgio MORODER décide de reprendre la recette de From Here To Eternity (1977) à l’échelle d’une galette entière. Après les galops d’essais de la seconde face de ]Love’s In You, Love’s In Me (1978) et le concluant "In Love With Love" (1978), c'est à E = MC² qu'échoie l’insigne honneur de fermer la décennie 70 pour Giorgio, qui affiche son plus beau sourire sur la pochette.

From Here To Eternity et E = MC² sont d’apparence très semblables. Nous retouvons avec grand plaisir les rythmiques métronomiques et les séquences millimétrées. Pourtant, le personnel a changé du tout au tout depuis From Here To Eternity. Exit les Midnite Ladies et l’assistant synthésiste Robert Wedel, même Pete Bellotte n’est plus crédité que sur la chanson-titre. C’est un commando qui officie sur E = MC²: Giorgio MORODER épaulé seulement du claviériste Harold Faltermeyer et Keith Forsey. La première conséquence audible de ce revirement est le chant. Plus de chœurs féminins ni de chant clair lunaire, le vocodeur et les chœurs en voie de tête harmonisés règnent désormais en maîtres.

Malgré ses allures de fin de cycle, E = MC² n’en demeure pas moins une belle œuvre de disco électronique, festive et dansante. Comme sur From Here To Eternity, une suite en plusieurs parties occupe la première face et plusieurs chansons distinctes se partagent la seconde. Les mélodies, en particulier celles de la première face, sont une fois de plus très consensuelles mais restent fort bien construites et évitent donc l’indigestion, au contraire de Love’s In You, Love’s In Me, avec ce qu’il faut de ponts instrumentaux pour relancer la machine.

Techniquement, Giorgio MORODER touche sans doute ici à son état de l’art. Parmi les premiers albums à enregistrement digital, E = MC² est d’une cohérence et d’une propreté éblouissantes. Les percussions sont moins fournies que par le passé, Keith Forsey se contentant même parfois d’un simple poum-tchak rêche. Les nappes de Solina ont disparu, le Clavinet survit tout juste, au point que l’album touche à un certain minimalisme – dans le sens pop du terme bien entendu. Nous pouvons oser un parralèle avec KRAFTWERK. Les effets sonores au début de "If You Weren’t Afraid", le vocodeur de "Baby Blue" et "E = MC²" et les séquences hypnotisantes n’ont pas grand-chose à envier à l’École de Düsseldorf.

La chanson-titre magistrale me convainc de décerner une mention spéciale à cet album charnière. Sur un long pont, Giorgio MORODER y énonce les crédits, un grand moment. La suite des événements sera plus dispersée pour Giorgio qui va bientôt enchaîner les musiques de films et les partenariats avec des chanteurs de pop. La première réédition (2001) de E = MC² par Repertoire Records contient en bonus le long morceau "Evolution" (1978), autrement introuvable en CD.