En 1975, Giorgio MORODER avait déjà près de dix ans de carrière dans la variété derrière lui, avec un petit succès d’estime. Il rompt alors totalement avec ces chansonnettes pop-bubblegum en composant un album essentiellement électronique et en grande partie instrumental, Einzelgänger, 'Solitaire' en allemand, s’inspirant assez naïvement de la scène expérimentale d’outre-Rhin. Ce disque fut à la fois une expérience sans suite, Giorgio MORODER se retrouvant seul en studio pour la première et la dernière fois, et une charnière de sa carrière, une expérience qui le poussa plus avant dans la musique électronique. C’est encore avec Einzelgänger que Giorgio MORODER amorça l’aventure Oasis, son projet de maison de disques, qui publiera quelques artistes comme Roberta KELLY ou Donna SUMMER.

Giorgio MORODER ne réitéra pas tout de suite l’expérience électronique. Knights In White Satin, son album suivant, est pourtant lui aussi un album fondateur de sa carrière. C’est avec ce disque que Giorgio marque son entrée de plein pied dans le style Disco. Prenant racine dans la funk et la soul, la Disco hérite de leurs instrumentations rythmées, riches en cordes et en cuivres.
Au début des années 1970, émergèrent les premiers 'DJ Sets', des montages spécialement conçus pour faire danser les foules en discothèque. La tâche du 'Disc Jockey' est alors d’enchaîner les morceaux, le plus difficile étant de conserver l’intensité sonore avec des fondus-enchaînés, et surtout de garder le rythme, ne pas briser la cohérence du tempo. Les morceaux funk et soul répondaient bien à cette contrainte de par leur rythme marqué et leur durée parfois conséquente. La Disco est donc une synthèse de ces contraintes techniques. Rapidement, un format standard s’est imposé : un quart-d’heure par face où les morceaux sont souvent enchaînés. On trouve régulièrement des albums avec une longue suite sur la première face, et une poignée de morceaux distincts sur la seconde.

En 1976, les synthétiseurs ne se sont pas encore tout à fait imposés dans la musique populaire et la Disco est encore largement acoustique. Knights In White Satin ne déroge pas à cette règle. On trouve tout de même régulièrement du Clavinet, un clavecin électrifié, et des synthétiseurs jouant certains riffs de basse. Ces claviers restent encore bien sommaires, il faut l’avouer, et l’album repose essentiellement sur le noyau dur du MUNICH MACHINE, un combo spécialement monté par Giorgio MORODER pour produire ses poulains du label Oasis.
Toutes les compositions sont de Giorgio MORODER et de son collaborateur Pete Bellotte, excepté la reprise de "Nights In White Satin", composée par le guitariste Justin HAYWARD. Ce morceau vient originellement en conclusion de Days Of Future Passed (1967), troisième album du groupe THE MOODY BLUES, considéré de nos jours comme l’un des premiers concept-albums de l’histoire doublé d’un prémice du rock progressif.

La longue suite-titre en trois parties occupe la première face de l’album. Les première et troisième intitulées "Knights In White Satin" reprennent la mélodie de "Nights In White Satin". La deuxième partie, "In The Middle Of The Knight", propose une seconde mélodie qui, cette fois-ci, n’est pas une reprise. Les trois parties sont liées par un même leitmotiv qui vient tantôt se juxtaposer, tantôt se mêler aux mélodies. Là où l’original est plutôt contemplatif, "Knights In White Satin" s’en veut la contrepartie sensuelle voire érotiqu..e; à ce titre, le jeu de mots du titre n’est pas du tout innocent. Sensuel par le chant sussuré de Gunther Möll et par le leitmotiv entêtant qui culmine avec des percussions et harmonies de cordes lascives au milieu de "In The Middle of The Knight".

La seconde face de l’album est composée de trois compositions distinctes, des originaux de Giorgio MORODER et de son acolyte Pete Bellotte. Les deux premiers, "Oh, L’Amour" et "Sooner Or Later", ne sont peut-être pas aussi marquants que ce qui précède. Les mélodies sont toujours plaisantes et le rythme entraînant.
L’album se clôt sur "I Wanna Funk With You Tonite". Téma la taille du jeu de mots ! Le mot 'Funk' étant lui-même une déformation du verbe 'fuck'. A ce stade-là, il n’y a même plus d’équivoque ! L’écoute du morceau nous confirme sa thématique hautement sexuelle. Ah, comment passer à côté de ces lignes de violons, du dialogue entre le chanteur et la cheffe de chœur? Enfin et surtout, jusqu’ici, les tempi étaient assez relâchés, plus lents qu’à l’accoûtumée dans les canons de la Disco, mais "I Wanna Funk With You Tonite" raffermit le rythme.
Ce morceau se distingue également du reste de l’album par la présence de choristes, parmi lesquelles Madeline BELL, chanteuse de Soul qui a connu une carrière solo et a notamment chanté pour le groupe SPACE de Didier MAROUANI. Ralf NOWY, qui a commis quelques albums solo avant de devenir producteur, signe les arrangements de cordes de "I Wanna Funk With You Tonight" et y joue lui-même de la flûte et du saxophone.

Enfin, citons "Let The Music Play", chanson parue uniquement en single en 1977, avec "Oh L’Amour" en face B. Ce morceau est du même acabit que "I Wanna Funk With You Tonight", avec un tempo enlevé et les chœurs du refrain. Encore plus kitsch que l’album qui le précède, "Let The Music Play" est plutôt dispensable.
Cet album n’a guère beaucoup percé dans les charts, se limitant à une petite 43ème place en Australie. Si Giorgio MORODER pose ici un acte fondateur de sa carrière, il n’a pas encore atteint le faîte de sa consécration.

3 ½ sur 5.