Après son premier partenariat avec le producteur Peter Bellotte sur son album Son of My Father (1972), Giorgio MORODER fait une pirouette par chez le songwriter Hans-Ulrich Prost pour le label Philips, à l’exception de "Zigaretten Und Madchen Und Wein" avec Michael Kunze, "Viel Glück, Christina" avec Michael Holm et "Hilf Dir Selbst" écrit par Giorgio seul. Comme ne l’indique pas son titre, Giorgio’s Music est intégralement chanté en allemand, et reste avec le suivant Einzelgänger (1975) le seul album de Giorgio MORODER dans ce cas de figure.

La chute est rude depuis l’album précédent. En comparaison, Giorgio’s Music semble trivial et dispersé. "Marrakesch" et "Nostalgie" qui, pourtant, voient Peter Bellotte revenir en renfort, sont deux morceaux ratés où les cordes tournent à vide. Le premier est une ballade poussive et le second un numéro bastringue plutôt ridicule. "Hilf Dir Selbst" est une nouvelle tentative gospel, avec des cuivres et la participation de Donna SUMMER aux chœurs, qui malheureusement s’enlise vite dans un pompiérisme lourdingue et stérile. Les éléments de l’orchestre refont des leurs à quelques autres reprises et donnent deux belles purges, "Ich Komm Nach Haus" et "Eine Alte Melodie", aux atours pseudo-classiques totalement foireux. Ce dernier est une revisite de la trop fameuse "Lettre à Élise", d’un certain Ludwig et… non mais c’est quoi ces chœurs immondes, ces synthés ridicules, ces cuivres empesés qui grésillent à mort, c’est innomable ! Vite, un chalumeau !

Le reste est heureusement délesté de cet orchestre décidément lourd et encombrant (où sont les fly cases?). Cinq morceaux qui ressemblent à des restes de Son of My Father, avec même du synthétiseur sur trois d’entre eux. Mais où est passée la fantaisie du précédent album, la fougue d’"Underdog" ou de "Spanish Disaster"? Il n’en reste rien sur le banal "Ja, Ja, Ja" et l’empâté "Her Mit Dem Geld". On peut encore apprécier "Viel Glück, Christina", petit rock de derrière les fagots, le slow mignon "Viele Phrasen" aux jolies saillies de batterie et l’allègre "Zigaretten Und Madchen Und Wein" au refrain très efficace, probablement le meilleur morceau de l’album.

Enfin, profitons-en pour éplucher les faces B et autres versions alternatives. On peut allègrement se passer des versions anglophones de "Hilf Dir Selbst" ("Heaven Helps The Man"), "Eine Alte Melodie" ("Lonely Lovers’ Symphony") et "Viele Phrasen" ("Crippled Words"). Les faces B sont au nombre de deux, co-écrites par Peter Bellotte. "Geh Zu Ihm" est une chanson très sympathique, et il est bien dommage qu’elle soit restée au stade de faire-valoir d'un si médiocre single que "Hilf Dir Selbst". "Sandy" (à ne pas confondre avec la chanson homonyme de Michael Holm en 1970, qui n'est pas trop mal) est à jeter par la fenêtre.

Deux autres 45-tours ont suivi, à nouveau chez Philips mais anglophones cette fois, encore et toujours avec le fidèle Peter Bellotte. D’abord, en 1974, "Lie, Lie, Lie" à la bonne humeur communicative, renouvelant la mode des mots répétés au refrain, mais un "Collico" à l’exotisme de pacotille, définitivement plombé par ses vocalises nasillardes. Puis, en 1975, "Bricks And Mortar" lourd et pataud (comme des briques et du mortier LOL), même pas sauvé par les guitares, et "It’s A Shame" à peine meilleur, qui comble une composition pauvrette avec trente-six mille claphands.

La barque prend l’eau, tout cela sent la redite. Ce troisième album ainsi que les singles annexes montrent que le filon de la variété s’épuise pour Giorgio MORODER. Il est temps de se renouveler. Même le tout premier album, That’s Giorgio (1969), était plus efficace que cela. L’indulgence ne prend pas deux fois : cette fois-ci, je ne sauverai pas cette vieillerie qu’est Giorgio’s Music.

1 ½ sur 5