Voici le tout premier album du sieur Giorgio. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à l’écoute de That’s Bubblegum - That’s Giorgio, rien ne laisse entrevoir la glorieuse carrière du transalpin. Ce disque est de la musique de variété tout ce qu’il y a de plus banal. Du "bubblegum" comme on disait à l’époque. Ouais bah lavez-vous bien les dents après, c’est bourré de sucre ces machins-là.

Giorgio cosigne "Looky Looky" et "Make Me Your Baby", tout le reste étant des reprises. Dans cette dernière catégorie, on trouve deux chansons de John Fogerty pour son CREEDANCE CLEARWATER REVIVAL : "Bad Moon Rising" et "Proud Mary". De même, "Aquarius / Let The Sunshine In" est tiré du répertoire de The 5TH DIMENSION, et c’est le morceau qui détonne le plus ici. "Mendocino" est une chanson de Doug Sahm pour le troisième album du SIR DOUGLAS QUARTET. "Sorry Suzanne" provient de la prolifique œuvre des Anglais THE HOLLIES, toujours actifs de nos jours. On trouve encore "Yummy Yummy Yummy" et "Mercy" de OHIO EXPRESS, et "Gimme Gimme Good Lovin’" de CRAZY ELEPHANT, "Muny, Muny, Muny" de THE DAISY CLAN, des groupes de pop chewing-gum. Ça a le mérite de situer le niveau d’ambition de la chose.

Rendons à César ce qui lui appartient, c’est-à-dire pas grand-chose. That’s Bubblegum - That’s Giorgio est court et efficace, les chansons sont toutes entraînantes et bien rythmées. Les instrumentations sont rudimentaires et sans originalité, mais nous échappons heureusement au dégueulis de ballades mielleuses comme il en pleuvait alors à l’époque, à l’exception d’un "Sorry Suzanne" maniéré et crispant. Les deux originaux cités plus haut sont de jolis petits morceaux pop sans prétention, animés par le carré piano - guitare - basse - batterie. J’apprécie le mini-délire au piano à la fin de "Looky Looky", hélas interrompu par le fade-out. Les harmonies vocales de "Make Me Your Baby" sont également plaisantes. En extrapolant un peu, le refrain de ce morceau me rappelle vaguement certaines chansons de Jacques DUTRONC.

That’s Bubblegum - That’s Giorgio n’est pas le premier méfait de Giorgio MORODER. Ce dernier a entre 1965 et 1975 pondu un sacré paquet de singles, quasiment tous compilés sur deux compilations que nous aborderons dans des chroniques dédiées.
D’ailleurs, en-dehors de "Looky Looky" et "Make Me Your Baby", Giorgio a à cette époque proposé d’autres compositions originales, toujours co-écrites par des producteurs, mais au moin ce ne sont pas des reprises). Certaines sont sorties en 45-tours et n’ont été sauvées que par les précitées compilations, mais trois d’entre elles se retrouvent sur un album intitulé Giorgio (1970). Ce disque uniquement paru au Brésil recycle sept morceaux de That’s Bubblegum - That’s Giorgio – ce pourquoi je ne lui consacre pas une chronique entière – mais contient "Moody Trudy", "Sally Don’t You Cry" et "Arizona Man", trois sympathiques morceaux dans la droite lignée de "Looky Looky" et "Make Me Your Baby". Cependant, "Arizona Man" est le premier morceau du répertoire de Giorgio MORODER à contenir des pistes de synthétiseur, et le résultat est plutôt convaincant. Ah, et la fausse fin à la minute quatre est marrante !
Il existe également une édition sud-africaine de 1970 intitulée That’s Giorgio qui reprend la totalité de That’s Bubblegum - That’s Giorgio dans un ordre totalement random, ainsi que "Moody Trudy" en ouverture.

Apparamment, Giorgio MORODER ne semble pas avoir renié cette première partie de carrière, ayant chanté "Looky, Looky" en ouverture de ses récents concerts, avec une instrumentation relativement fidèle à l’originale*. Autre anecdote amusante, la chanteuse tchèque Valérie Čižmárová a interprété dans sa langue natale cette même chanson en 1971, sous le titre "Léta Letí"**.

Désolé de cet étalage verbeux et terre-à-terre, mais pouvais-je faire beaucoup mieux face à un disque aussi trivial que celui-ci? Seule sa relative efficacité me retient de lui infliger la note minimale. Rassurons-nous, la suite sera bien plus intéressante.

*https://youtu.be/me_KSwEJ9nc
**https://youtu.be/KPLOJZ6NYjI