Pour ce nouvel album, Giorgio MORODER s’associe à la chanteuse Chris Bennett qui n’a pas une carrière des plus étoffées. Chris Bennett débute sa discographie solo avec un simple Disco Man / This Perfect Day en 1976, composé par Giorgio MORODER et Peter Bellotte. Elle participe ensuite à de nombreux projets Disco de 1978 à 1981, parmi lesquels la bande originale de Midnight Express (1978) et l’album N°1 In Heaven (1979) des SPARKS, avant de se faire nettement plus discrète. Du côté de sa discographie solo, on compte cinq albums tardifs dont deux live, qui ne semblent pas folichons du tout.

Derrière son titre assez tartignole, Love’s In You, Love’s In Me présente une construction similaire à Knights In White Satin et From Here To Eternity: une suite de seize minutes couvrant la première face avec plusieurs thèmes enchaînés, trois morceaux distincts sur la seconde. Malheureusement, Love’s In You, Love’s In Me fait figure de parent pauvre, pour plusieurs raisons. L’album présente d’importantes disparités. La première face est très bancale, entre une inspiration mélodique fluctuante et une production vaseuse, comme un retour en arrière, au bon vieux Disco moite, violonneux et réverbéré, quand les trois morceaux de la seconde face sont paradoxalement plus homogènes et cohérents.

La première face fait s’enchaîner les chansons "Love’s In You, Love’s In Me", "Keep It Together" et "I Can’t Wait", et se conclut lors des quatre dernières minutes sur de brèves réexpositions de chacune d’elles. Le problème éclate dès les premières secondes. Cette mélodie niaise, ce beat poussif, ce synthé boîteux, kesecé que ça? Cette chanson-titre a l’insigne mérite de montrer comment la frontière est mince entre la fraîcheur émouvante et la guimauve rance. Le clou est enfoncé par les violons kitsch, les percussions amorphes, les chœurs sirupeux. Le refrain ne rattrape guère l’affaire et le constat s’impose: "Love’s In You, Love’s In Me" est une ouverture ratée. Cette très mauvaise première impression ricoche malheureusement sur "Keep It Together", encore bien édulcorée malgré une amélioration. "I Can’t Wait" continue sur cette lancée, en bien. Le long de ces trois chansons, intervient à plusieurs reprises un même pont espiègle, très réussi, qui renforce la cohérence de l’ensemble. Cohésion également assurée par les paroles; Love’s In You Again, entend-t-on sur "Keep It Together". Voilà malgré tout la plus faible suite proposée par Giorgio MORODER.

La seconde face est nettement plus proche du disco métatronique From Here To Eternity, habile mélange d’oripeaux électroniquse et de tricotage de percussions. Nous n’atteignons pas la maîtrise de l’album de 1977 mais cette seconde face en est de beaux restes. "Love Now, Hurt Later" ouvre le bal avec classe, non sans lorgner le refrain de "First Hand Experience, Second Hand Love" (1977). "Burning The Midnight Oil" fait entendre l’enjôleuse voix de tête de Chris Bennett sur une mélodie rêveuse et un refrain doublé au vocoder. "Let This Night Go On For Days", linéaire et trop long, conclut malheureusement l’album sur une impression de remplissage.

Cette dualité pas très bien assurée accouche d’une œuvre bancale aux allures de pièce rapportée. C’est dommage car Chris Bennett a un bien joli grain de voix qui méritait d’être mieux mis en valeur. Qu’à cela ne tienne, la fine équipe corrigera le tir dès l’album suivant.

2 ¾ sur 5