En 2006, c'est avec une petite année de retard que Michael Schenker célèbre les 25 années d'existence de son MSG de cœur. Une carrière pleine de rebondissements, de hauts et de bas, d'abus et de rédemptions, et ce Tales Of Rock'n'Roll n'échappe pas à la règle qui veut que le blond germain sublime et complique en même temps tout ce qu'il touche. Originellement conçus pour constituer un concept album d'UFO (mais ça, c'était avant que Michael ne décide de claquer la porte du groupe britannique pour la quinzième fois), les 19 (oui, vous avez bien lu) titres servent un objectif double : celui, dans un premier temps, de présenter au monde la nouvelle voix du groupe, le Finlandais Jari Tiura : une véritable erreur de casting ! Si l'on connaît l'instabilité du guitariste pour ce qui est de son entourage, ce nouveau chanteur nous fait regretter amèrement le talentueux Chris Logan. Son remplaçant est doté de qualités techniques indéniables mais sa voix, parfois très grave, parfois presque stridente, est trop souvent dénuée de feeling et d'émotion, dommage.
Le second objectif est, comme le titre de l'album l'indique, de fêter les 25 ans du MSG. Pour marquer le coup, Michael a eu l'excellente idée de faire appel à chacun des six précédents chanteurs qui ont posé leur voix sur un album du MSG. C'est avec un plaisir évident que Gary Barden, Graham Bonnet, Robin McAuley, Leif Sundin, Kelly Keeling et Chris Logan se plient à l'exercice, chacun interprétant un titre de ce nouvel opus.

Les choses auraient pu à peu près bien se passer, si les morceaux qui composent cet opus n'avaient pas été aussi faibles ! Il y bien quelques fulgurances, mais elles se voient noyées sous des cascades de riffs sans queue ni tête ou de mélodies poussives qui ne font qu'effleurer la prestigieuse histoire du MSG. De plus, et c'est un comble, aucun blanc ne sépare les titres qui s'enchaînent comme des perles. Si l'intention peut paraître intéressante (constituer un lien direct entre le passé, le présent et le futur du groupe?) le résultat peine à convaincre, tant les enchaînements nuisent à la lisibilité de l'album, et peinent à mettre en valeur les morceaux les plus réussis.

Du bon, il y en a pourtant. Parmi les titres chantés par Jari Tiura, un petit nombre parviennent à séduire. C'est le cas de l'énergique « Dust to Dust », doté d'un riff imparable, et sur lequel les mélodies vocales et guitaristiques se font finement ciselées, véritablement délectables. De même, « Bitterweet », qui évoque les sorties récentes de UFO (Covenant notamment) se fait un délice, mêlant modernité (le riff saccadé du refrain) et tradition pour un résultat époustouflant. Le plus sombre « Human child », qui le précède, se fait un mid-tempo sombre et torturé, prétexte à un solo très heavy, qui met en valeur le côté obscur du Mad Axeman. Les autres morceaux ne sont qu'une tentative ratée de remplissage. Pire « The ride » et « Setting sun », qui ouvrent pourtant l'album, sont des exemples navrants de futilité mélodique. On ne retient strictement rien de ces pièces composées en pilote-automatique qui, si elles ne laissent pas l'auditeur indifférent, l'agacent et l'ennuient (« Voice of my heart », « Freedom »).

La part importante laissée aux anciens chanteurs du MSG prend donc des allures de bouée de sauvetage. Sans leur présence, il est fort probable que ce Tales of Rock'n'roll aurait été de loin l'album le plus dispensable du MSG. Mais, comme sublimé par la présence de ses anciens vocalistes, Michael Schenker parvient à proposer quelques titres résolument séduisants, qui se rapprochent de l'univers de chacun des artistes. Ainsi, « Angel of Avalon » voit Leif Sundin proposer des lignes vocales naturellement proches de l'album Written in The Sand, sur un titre hard rock énergique et enlevé. Sur « Big Deal », chanté par Kelly Keeling, c'est le hard rock plus moderne et agressif de The Unforgiven qui nous vient en tête, pour un excellent moment. Et c'est à Robin McAuley que revient la chance de chanter sur le titre le plus réussi de l'album : « Tell a story », titre immédiat et lumineux, est d'une efficacité bluffante, preuve que lorsque Michael veut, Michael peut...
Le « Life vacation » de Gary Barden sent les dessous de bras pas propres, le « Rock'n'roll » de Graham Bonnet entre par une oreille et sort par l'autre, tandis que le « Dreams inside » de Chris Logan séduit gentiment, sans provoquer de grand enthousiaste. Autant dire que les sentiments de l'auditeur jouent les montagnes russes, tout comme la qualité des morceaux.

Pourtant épaulé par une équipe plus que solide (le bassiste de UFO Pete Way, l'indispensable Wayne Findlay et le batteur de Badlands Jeff Martin), Michael souffle le chaud et le froid autant que les bougies sur cet album-anniversaire qui peine à se faire intéressant. Sauvé par quelques fulgurances, il reste malgré son line-up de choix un album peu intéressant, à réserver aux mordus du blond germain.

2,5/5