Pour cette passade dans l’école de Düsseldorf, Giorgio MORODER ne s’en sort pas si mal. De petites mélodies accrocheuses comme sur le morceau-titre, "Good Old Germany" et "Untergang", des ambiances planantes mélancoliques comme sur "Aus" ou "Liebes-Arie", quelques expériences sonores amusantes avec "Percussiv" et "Basslich".

Le premier problème de l’album est son dénuement sonore. Je ne peux que rejoindre mon collègue Walter Smoke sur ce point : nous distinguons aisément le Solina String Ensemble, la boîte à rythme, le clavinet et quelques effets sur bande. Le vocoder n’en est pas vraiment un : il s’agit de bêtes effets de phasing bien vasouilleux qui achèvent de ringardiser le tout, en particulier sur "Warum", même pas sauvé par sa mélodie.

Tous ces petits leitmotives ne masquent pas bien longtemps le principal défaut de Einzelgänger : une affiliation trop fidèle au "krautrock", justement. Certains morceaux frôlent le pastiche : "Einzelgänger" rappelle furieusement "Autobahn" (1974) de KRAFTWERK, les effets sonores de "Aus" et "Percussiv" lorgnent vers Zückerzeit (1974) de CLUSTER. Par ailleurs, je soupçonne Jean-Michel JARRE de s’être inspiré des nappes de "Aus" et "Liebes-Arie" et du refrain instrumental de "Warum" pour certains passages de son album Oxygène (1976). En particulier, on trouve déjà sur "Aus" un prémice des "crop circles" qui deviendront l’une des marques de fabrique de la musique de JARRE.

Rien de catastrophique (encore que "Warum", euh…) mais rien de marquant non plus. Tout ceci est trop maladroit et, ironiquement, subit le contrecoup du passif de Giorgio dans la musique de variété. Sur le plan musical comme sonore, cet album était déjà obsolète en 1975. Tout comme That’s Bubblegum et Giorgio’s Music, Einzelgänger ne bénéficie pas d’une édition officielle. Giorgio MORODER lui-même refuse de rééditer cet album, malgré les réclamations à ce sujet. Quant à savoir si c’est une grande perte…