Depuis 1964 et son cinquième album éponyme, Joan BAEZ se cherche. Son répertoire de chansons folk commence à se réduire comme une peau de chagrin, la poussant à piocher timidement dans le répertoire classique (sa reprise de VILLA-LOBOS, toujours sur /5) et parmi ses contemporains, un choix qui lui permit de sortir l’année précédente un Farewell Angelina en tous points excellent.
Fidèle à son rythme d’un album par an, elle part néanmoins pour sa septième itération sur un choix bien différent : l’album de Noël.

Ah, j’en vois qui frémissent déjà. C’est qu’un album de Noël n’est généralement pas un bon signe. Souvent commercial et paresseux, l’on y retrouve toujours les mêmes chansons sur un ton sirupeux rendant la saison des fêtes aussi insipide et écœurante qu’une pâtisserie trop pleine. Mais bon, sur le papier, nous pouvons pardonner à Joan BAEZ de faire un album de Noël : elle a choisi pour sa tracklist un mélange de morceaux classiques et de morceaux moins connus aux thèmes un peu plus sombres. Et puis, ce sont des morceaux traditionnels, ce qui en soi n’est pas très différent de sa formule habituelle.
Oui, mais voilà, c’est écrit en petites lignes sur le papier, mais la formule folk habituelle a été mise de côté pour cet album. Ici, nous avons droit à un orchestre dirigé par Peter SCHIKELE, un conducteur-arrangeur connu pour ses œuvres humoristiques aux Etats-Unis. Voilà un album qui sera joué dans les centres commerciaux pendant décembre.

Et encore, le pire n’est pas de décrire ce disque, c’est encore de l’écouter. Alors oui, la première chanson passe encore, on est un peu surpris mais pourquoi pas. Et puis, il y a « Little Drummer Boy » sur laquelle on sourit gentiment : ça fait penser à la version jouée en duo par David BOWIE et Bing CROSBY et la vidéo de cette rencontre, un grand moment de gêne. Puis à la troisième piste on se demande quand l’album va vraiment commencer, avant de se rendre compte que ça y est, c’est ça l’album. Et là, ça picote les oreilles parce que les orchestrations ne sont pas réussies. C’est lourd, ça se veut traditionnel, un peu médiéval. Ca finit par ressembler à la musique d’un épisode de Thierry la Fronde. Les quelques passages purement instrumentaux disséminés ci-et-là semblent ne jamais finir, et au milieu de tous ces hautbois et violons surnage la voix de Joan BAEZ. Les morceaux ne décollent jamais vraiment et dès qu’ils commencent l’on n’attend qu’une chose, qu’ils finissent. Sans oublier que l’ambiance générale de l’album varie d’un morceau à l’autre, tantôt plein de bons sentiments façon DISNEY, tantôt déprimant façon « La petite fille aux allumettes ».
Il lui faut bien sortir l’arme lourde avec le « Ave Maria » de SCHUBERT pour réussir à nous émouvoir, mais cela reste encore très tire-larmes, malgré l’allemand poussif de Joan BAEZ. Ne parlons même pas de la chanson en français présente dans les bonus de la réédition CD de 2001 !

Mieux vaut arrêter le massacre ici. Les albums de Noël réussis se comptent sur les doigts de la main, ceux inoubliables sont quasiment inexistants. L’exercice est si empreint de consumérisme avide qu’il devient presque impossible pour un artiste plein de bonnes intentions comme Joan BAEZ de passer pour une profiteuse facile (ce que les anglophones appellent un « cash-grab », soit littéralement un « attrape-argent ») et peu inspirée. Pourtant, on peut difficilement lui reprocher de vouloir sortir de sa zone de confort et proposer quelque chose de différent.Malheureusement, elle tombe dans tous les poncifs du genre.