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Joan BAEZ - Speaking Of Dreams (1989)
Par DERWIJES le 24 Janvier 2019          Consultée 1002 fois

Finalement Recently fut un faux départ. Alors que l'on s'attendait à ce que Joan BAEZ reprenne un rythme de sortie annuel après cet album de 1983, elle préféra repartir s'investir dans l'humanitaire, ne refaisant surface que le temps d'un live avec Diamonds & Rust in the Bullring en 1988.
C'est en 1989 qu'elle revient véritablement aux affaires. Pourquoi 1989 ? Deux réponses sont ici possibles : le contexte politique de cette fin de décennie, évidemment. La chute du Mur de Berlin, la fin de la Guerre Froide et de l'URSS, a été plus qu'une libération pour une artiste aussi engagée que Joan BAEZ, ce fut la promesse d'un monde meilleur et en un sens la concrétisation de décennies de travail acharnés. Aussi, en 1989, elle fête ses 30 ans dans l'industrie de la musique ! Soit 30 ans depuis sa première apparition publique, un anniversaire qui se fête bien.

C'est son anniversaire, mais c'est elle qui nous offre un cadeau avec un nouvel album tout beau tout propre : Speaking of Dreams. La pochette ne ment pas, nous sommes bien dans la fin des années 80 et au vu de son costume de matador, Joan est toujours plongée dans son histoire d'amour avec l'Espagne.
Musicalement, cet album entend remettre le son BAEZ aux goûts du jour en continuant sur la lancée de Recently : proposer un mélange de titres traditionnels, de chansons inédites et de reprises d'auteurs contemporains, en y ajoutant une bonne dose de synthé. Si Speaking of Dreams est sorti presque 7 ans après Recently, on pourrait croire que les deux ne se suivent que de quelques mois tant ils sonnent de manière similaire. D'ailleurs, si Recently s'ouvrait sur l'hymne anti-guerre des DIRE STRAITS « Brothers in Arms », Speaking of Dreams commence aussi avec une chanson protestataire. « China » est inspirée à la fois par l'interdiction que reçut BAEZ de jouer en Chine et par les protestations de la Place Tiananmen menées par des étudiants à qui l'album est d'ailleurs dédié. En tout cas, la chanson annonce la couleur en cumulant tous les clichés de la chanson folk-pop 80's : réverbérations, batterie artificielle, couches d'instruments... Quoique daté, le morceau est agréable, même si les paroles sonnent très naïves. Nous retrouvons ensuite « Warriors of the Sun », déjà présente sur le Live Europe '83, une chanson que Joan trimballe avec elle depuis quelques années mais qu'elle couche pour la première fois en studio ici. Cette version change quelques peu les paroles et rajoute quelques effets de synthétiseurs au passage, ce qui n'empêche pas la chanson d'être anecdotique et d'être plutôt une liste des maux de ce monde.
Dans ses collaborations, Joan a ici sorti le grand jeu. D'abord avec Jackson BROWNE pour « El Salvador », une chanson sur l'interférence américaine en Amérique du Sud, un sujet cher au cœur de la chanteuse contre lequel elle a protesté maintes fois et qui lui avait valu, avec son engagement contre la guerre du Vietnam, de finir sur la liste rouge du FBI dans les années 60. Vocalement, le morceau est réussi, on sent que les deux ont l'expérience des duets et savent se retirer pour laisser la place à l'un ou à l'autre, mais instrumentalement on retrouve la même recette que « China ». La redondance guette, mais Paul SIMON arrive pour chambouler cet album trop sage ! Le temps du medley « Rambler Gambler/Whispering Bells », la première une chanson folklorique américaine et la seconde un hit du groupe de doo-wop THE DELL VIKINGS, sacré mélange, il apporte la musique africaine chez Joan BAEZ. S'il est vocalement discret, son empreinte est bien présente. Si Joan n'a jamais eu peur d'essayer de nouvelles choses, c'est la première fois qu'elle se frotte à un tel mélange et s'en sort en livrant une interprétation simple mais efficace. « Rambler Gambler/Whispering Bells » aurait pu être le meilleur morceau du disque, si ce n'était pour « Carrickfergus ». Son interprétation de ce célèbre titre traditionnel, qui fut entre autres joué aux funérailles de John F. Kennedy, met en exergue la sentimentalité forte qu'il dégage. Alors oui, on peut dire qu'elle en fait des tonnes et que d'autres chanteuses comme Lisa KELLY ont su proposer une version plus contrôlée mais tout aussi forte, mais la touche Joan BAEZ possède un je-ne-sais-quoi de spécial dont je ne me lasse pas.

J'écrivais plus haut que « China » sonnait daté mais rendait toujours bien. En contrepartie de cette réussite, se situe en conclusion du disque un autre morceau encore plus daté mais qui vire cette fois-ci au kitsch ridicule : « A Mi Manera », de son petit nom, est une adaptation en espagnol de l'immortel « My Way ». Ne parlant pas deux mots de la langue de Cervantès, je m'abstiendrai de tout commentaire sur la qualité de la traduction, mais je noterai en revanche avec insistance la présence des GYPSY KINGS sur ce morceau. Que l'on aime ou pas, on avouera que ce groupe a la faculté magique de ringardiser tout ce qu'il touche, et Joan BAEZ n'y fait pas exception : sans eux, le morceau aurait pu être convaincant, mais la présence du chant et des guitares le fait basculer dans le ridicule. C'est dommage de finir sur cette note décevante, surtout quand le reste de l'album est plus convaincant que cela. Aucuns des morceaux présents ici ne fera parti des incontournables de concerts, mais l'ensemble est suffisamment bon pour permettre à Joan BAEZ de faire un retour réussi aux affaires, en attendant des albums avec lesquels elle saura se trouver une nouvelle voix plus convaincante en arrêtant de chercher à adopter les modes.

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- Joan Baez (chant, guitare)


1. China
2. Warriors Of The Sun
3. Carrickfergus
4. Hand To Mouth
5. Speaking Of Dreams
6. El Salvador
7. Rambler Gambler / Whispering Bells
8. Fairfax County
9. A Mi Manera



             



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