Nous en sommes déjà à la quinzième oeuvre vinylique de Tom JONES et les choses ne s'annoncent pas pour le mieux avec cette photo impersonnelle où l'artiste fait le beau ténébreux. Les compositions originales ont tendance à baisser de niveau et les reprises sont moins souvent judicieuses. Tout semble en place pour une baisse de niveau drastique, d'autant que les modes ne vont pas aller vers la pop triomphante ! Cela dit, pas d'inquiétudes à avoir, Tom dispose d'une confortable fan base et de droits conséquents sur sa discographie passée, et puis Las Vegas grandit sous la poussée des artistes à résidence comme lui et le King.

"Somethin' Bout You Baby I Like" nous envoie dans une ambiance variété festive, c'est la bonne humeur qui règne avec de gros cuivres et un pseudo rythme rock. A défaut d'être mémorable, c'est vraiment très gai, mais le billboard anglais frémit à peine, avec la 36ème place de l'unique single de cette livraison. La vidéo kitschissime est certes hilarante, mais on constate immédiatement une certaine dérive face aux grands classiques supra cool de l'artiste comme "It's Not Unusual", "What's New Pussycat" ou "Help Yourself" d'un côté, ses standards quasi crooner comme "Thunderball" ou "Delilah" de l'autre, puis ses classiques folk comme "Greeen Green Grass Of Home". Clairement, le niveau n'est pas le même.

On retrouve à nouveau Tammy WYNETTE sur "Till I Get It Right", et cette version sera suivie par celles de Kenny ROGERS et plus surprenant de Burt REYNOLDS ! Tom s'en sort pas mal, avec trop d'arrangements cependant. "You Make Me Smile" est un petit slow seventies sans consistance. Tom tient à rester country, vise le marché ricain en reprenant Kris KRISTOFFERSON comme Elvis l'a fait deux ans auparavant "Sing For The Good Times", mais on regrette la simplicité de la version de Kris.

"Rainin In My Heart" ? Mais oui, il s'agit de la reprise de Slim HARPO. Nous entrons en territoire roots s'il en est, et je vois d'ici le Kingbee soulever le sourcil d'un air réprobateur ! On ne risque pas grand chose, Neil YOUNG est dépositaire d'une horrible version sur son album hommage au wok'n'woll. Tom y tonne, comme à son habitude. Les synthés sont certes de trop, mais le reste n'est pas moche. Tom cherche dans le roots en cette année 74, cette fois le funky blues de DR JOHN influencé par le jeune frangin Edgar WINTER avec "Right Place, Wrong Time". Tom ne démérite pas tout du long des cinq minutes mais son pré-carré est loin.

Ah, quelques titres originaux, tout de même ! "Run Clero Run" nous replonge dans la soul, sympa mais pas transcendant. "It Never Hurts To Be Nice Someday" est de la même école, de la blue-eyed soul avec des orchestrations chargées en cordes, très seventies. On est proche d'Elvis à la même époque, avec le même résultat. "Make Believe World" penche plus vers la variété racoleuse, et même si Tom n'a rien perdu de sa voix, cette countrypolitan est vraiment désagréable à écouter, ce qui est rare chez lui. On termine avec "Which Way Home", plus sympa, mais qui guère plus digne de s'aligner sur les classiques de l'artiste.

Bref, c'est faiblard ! La voix de Tom JONES reste l'une des plus belles qui soient, pas de problèmes là-dessus – d'ailleurs, voyez donc en nos années 2020, elle n'a toujours pas changé, une exception de taille dans le monde de la musique ! Mais les compositions choisies pour peupler cette quinzième livraison n'ont pas la gueule de l'emploi pour truster les premières places du billboard. Tom s'embarque donc dans une charmante traversée du désert – et oui, n'est pas Elvis qui veut – en ces mid-seventies, et nous n'avons pas fini de nous gausser croyez-moi !