Voilà, le courage m'a manqué au moment d'attaquer les cinq albums country de Tom JONES, symboles de sa déchéance la plus totale si l'on en croit ses mémoires, le creux de la vague, le manque d'inspiration, les salles miteuses, et tout le toutim d'une rock star has been au dernier degré. Dur, dur ! Mais il faut croire aux miracles, et dans le cas de notre artiste gallois, il peut au moins compter sur deux éléments stables : sa voix, toujours aussi belle, grave et puissante – comparable plus de 30 ans plus tard, matez-le sur the voice UK où il s'impose auprès des jeunes générations -, mais surtout sa formidable confiance en lui, toujours optimale malgré les couleuvres des seventies et des eighties. Une fois qu'on a atteint un low point, on ne peut que remonter non ?

Alors, Tom décide de changer de registre, de quitter les rivages de la countrypolitan et de revenir vers le fond de commerce qui a fait son succès, la pop triomphante de ses débuts. Nous le savons, Tom est comme son pote Elvis ; un interprète de génie, et tout va reposer sur sa capacité à choisir les titres qui lui permettront de rebondir. Ce n'est pas si simple de partir du statut peu enviable de has been et d'ainsi repartir à l'assaut des charts ! En tout cas, la photo de couverture le montre confiant et avec une expression coquine sur le visage, tout semble aller pour le mieux.

Tout débute par la reprise de "Kiss", du seul et unique kid de Minneapolis, le seul dauphin du king Michael. Un choix vachement gonflé si l'on y réfléchit deux minutes. Vous connaissez beaucoup de monde qui reprend Michael ou PRINCE sur leur album ? Moi pas, c'est carrément casse-gueule ! Et Tom, associé pour l'occasion au groupe de synth pop ART OF NOISE, transforme ce pari insensé en réussite puisque le single parvient à jouxter le sommet des charts un peu partout dans le monde. Sa version ne saurait rivaliser face à l'originale (Qui le pourrait?), mais il impose sa griffe, une orchestration différente. Hors USA, les résultats entre les deux versions sont même comparables. Incroyable, il s'en sort une fois de plus !

Le single suivant "Move Closer", composé par Phyllis Nelson, n'atteint qu'une modeste 49ème place dans le billboard grand-breton. Un titre d'obédience électro soul, comme souvent dans les eighties, très mainstream et sans réel relief, un slow dont on retient peut-être le refrain. Faites l'expérience, les quadra et quinca, pas désagréable du tout ! "At This Moment" poursuit la quête de reconnaissance dans le même esprit, et la chanson de Billy VERA, grand succès de 1981, convient particulièrement à la puissante voix du Gallois, dans une verve proche de SIMPLY RED à l'époque. Je la trouve assez réussie, mais elle ne chartera pas. Pas grave, "Kiss" aura durablement marqué les esprits.

Atmosphère AOR de circonstance pour "'Til The End Of Time" et dans ce cadre précis, Tom joue son va-tout à merveille, sa voix faisant toute la différence, un mid-tempo aux arrangements très eighties franchement écoutable. On pense à MEAT MOAF ou Kenny LOGGINS, du gros soft rock américain. "After The Tears" fait partie des titres ouvrant de nouvelles perspectives à Tom JONES. AOR/Soft rock dans la tradition la plus américaine, ça évoque TOTO, JOURNEY et les grosses écuries du genre, c'est tout à fait bien foutu, même si on peine à y reconnaître l'icône galloise. La mélodie entêtante de "Who's Gonna Take You Home Tonight" me plaît. On y décèle une énorme pulsion eighties, assortie d'un savoir-faire évident pour pondre des mélodies. C'est rafraîchissant d'entendre Tom dans un tel genre après des années passées à chanter de la countrypolitan pouah ! Mon titre favori de la livraison.

Nous sommes surpris par la présence du "Satisfaction" des ROLLING STONES à laquelle Tom parvient à donner une identité plutôt sympa. Impossible de concurrencer les Pierre qui roulent, mais rien de honteux non plus. Une fois de plus, Tom fait la preuve qu'il est aussi un vrai rockeur. "I'm Counting On You" est une reprise de Chris DE BURGH, dans une veine sentimentalo-romantique, comme aime à les faire le compositeur. Tom y fait le job, mais ne bat pas l'originale. "Touch My Heart" nous renvoie à une variété assez basique qui risque de rapidement vous gonfler, même si Tom chante bien. Enfin, "What You've Been Missing" se présente comme un titre de synth pop au rythme très eighties, pas vilain, mais pas fondamental non plus.

On ressort satisfait de l'écoute de cet opus : Tom a traversé dernièrement tant de bas qu'il est bien sympa de le retrouver à un niveau digne de sa légende. Plusieurs titres sympas, un classique "partagé", et une petite propension bien rock au final qui donne envie, à défaut de proposer du matos vraiment original, ce qui explique aussi la note. Il eut fallu un classique plus personnel pour parvenir à la supérieure. C'est cela dit un retour réussi après plus de quatre ans d'absence. Tom JONES est increvable !