C'est toujours dans les moments les plus douloureux qu'on réussit les chefs-d'oeuvre.

Cette phrase quelque peu prétentieuse, à la limite de la redondance tant elle a pu être prononcée sous diverses formes, pourrait cependant parfaitement s'appliquer à The Battle Rages On, 14ème album studio de DEEP PURPLE et l'ultime du légendaire Mk2, depuis la mort de Jon Lord en 2012, toute tentative de réunion de ce légendaire line-up n'étant évidemment plus possible). Son enregistrement et, pire encore, la tournée qui l'a suivi ont été tout bonnement épouvantables pour les membres du groupe.

C'est quand même assez malheureux : après avoir réussi à se reformer plutôt tranquillement en 1984, le Mk2 retombe dans ses vieux travers des années 1970 durant l'enregistrement de The House of Blue Light (1987) et finit par se séparer une nouvelle fois lorsque Blackmore renvoie Ian Gillan en 1989 contre l'avis du reste du groupe. La tentative de continuer l'aventure avec Joe Lynn Turner de 1989 à 1992 (constituant ainsi de fait la formation Mk5) n'a pas été spécialement un succès et Ritchie Blackmore se voit obligé d'accepter l'inévitable retour de Ian Gillan au sein de DEEP PURPLE.

C'est donc à un ultime album du DEEP PURPLE Mk2 que nous avons droit ici. Il fallait bien que le Mk2 achève son existence en beauté : c'est chose faite avec cet album fabuleux, gorgé de pépites savoureuses, d'une qualité exemplaire dans la longue carrière du Pourpre. Par bien des aspects, The Battle Rages On surpasse en de nombreux points les albums les moins aboutis de la période 'dorée' du Mk2, à savoir Fireball (1971) et Who Do We Think We Are (1973). C'est assez remarquable quand on sait que les albums du Mk2 de la période 1984-1993 sont souvent considérés comme moins bons que ceux des années 1970.

The Battle Rages On peut aussi assez aisément être qualifié d'album le plus 'metal' de DEEP PURPLE : la production met énormément en valeur la guitare de Ritchie Blackmore, la batterie de Ian Paice sonne massivement, la basse de Roger Glover est ronflante et rock'n'roll, les claviers de Jon Lord épiques, et Gillan y déploie quand même une sacrée énergie. Ajoutez à cela une pochette magnifique (qui sera la dernière d'un album studio du Pourpre à représenter le logo "D.P.", initié sur Perfect Strangers), et vous obtenez un album fort, aux accents heavy sans précédent. Comment tout cela se traduit-il dans le contenu ?

La plupart des titres sont franchement bons, voire excellents : le morceau éponyme d'introduction, "The Battle Rages On", est diaboliquement efficace, heavy et épique. DEEP PURPLE en a le secret depuis sa reformation en 1984. Il peut assez aisément se placer en digne successeur de "Perfect Strangers". Le reste est à l'avenant, avec une avalanche de petits brûlots hard-rock bien ficelés ("Lick It Up", à ne pas confondre avec le titre éponyme de KISS, ou bien encore "Talk About Love" ou "Ramshackle Man"). De nombreux morceaux lorgnent vers le rock pur et dur ("Nasty Piece of Work", avec ses arrangements presque doom, ou bien encore le morceau final, "One Man's Meat"). Ca défouraille à tout va, et il est heureux que pour son ultime album avec DEEP PURPLE Blackmore livre une telle performance. Certains morceaux sont un peu moins bons, tels "Solitaire" (à la limite du progressif et un peu lourdingue), "Anya" qui ressemble un peu trop à du RAINBOW, ou encore "A Twist In The Tale" qui part un peu dans tous les sens. Malgré tout, aucun de ces titres n'est vraiment mauvais.

Reste qu'au final, malgré toutes ces qualités, The Battle Rages On a quand même été l'album de la souffrance pour DEEP PURPLE : les musiciens se parlent à peine pendant l'enregistrement (surtout Blackmore et Gillan, c'est évident), et la tournée s'avère catastrophique en termes d'image : Blackmore sabote les performances du groupe et refuse parfois de monter sur scène lors du début des concerts. Ce genre d'évènement absurde mais légendaire a été immortalisé pour l'éternité sur le génial DVD live "Come Hell Or High Water", où les caprices de Blackmore sont visibles de façon très gênante et permettent de se rendre compte de l'ampleur des dégâts. La tension devenant trop forte et Blackmore n'étant plus en position majoritaire au sein du groupe, il finira par prendre la porte durant la tournée, sans demander son reste. Remplacé au pied levé par Joe SATRIANI, Blackmore ne devait plus jamais réintégrer DEEP PURPLE. The Battle Rages On est donc son testament avec le Pourpre. En 1993, le Mk2 a définitivement vécu.

The Battle Rages On demeure un album essentiel, historique et très bon évidemment. Je vous le recommande de toute urgence !

Note réelle : 4,5/5.

Titres préférés : "The Battle Rages On", "Nasty Piece Of Work"