Des trois groupes britanniques fondateurs du hard rock, DEEP PURPLE est le seul à ne pas avoir commencé sa carrière par un album réellement marquant. Mais il faut dire que la carrière de DEEP PURPLE avait commencé quelques mois plus tôt que celles de LED ZEPPELIN et de BLACK SABBATH, et que l'héritage des années 1960 et de la scène pop psychédélique y était forcément encore pas mal marqué.

Et effectivement, pour qui connait la carrière qu'aura le groupe entre 1970 et 1976, les trois premiers albums du Pourpre Profond, sortis entre 1968 et 1969, peuvent apparaître comme fort surprenants, voir même complètement hors de propos. Certains prétendent même qu'ils ne s'agit pas du même groupe et que la véritable histoire de DEEP PURPLE démarre en 1970, avec l'arrivée de Ian Gillan et de Roger Glover. Personnellement, je ne suis pas d'accord.

Le DEEP PURPLE Mk1 comprend déjà en son sein trois éléments d'importance, à savoir Ian Paice (batterie), Jon Lord (claviers) et surtout le surdoué Ritchie Blackmore (guitare), qui fonde ici son premier véritable groupe après des années passées à faire le requin de studio pour divers artistes (on notera tout de même sa participation aux OUTLAWS en compagnie de Gene Vincent). Ces trois musiciens de génie vont collaborer sans discontinuer entre 1968 et 1974, et en celà, leurs premiers albums en commun sont tout de même d'une importance-clé pour l'analyse de l'évolution de leur musique. Selon moi, donc, "Shades..." est véritablement une première étape significative.

Mais passons ces considérations historiques. Qu'avons nous là ? Ma foi, ce premier album de DEEP PURPLE, ce "Shades..." à la pochette très kitsch (un de mes amis croyait que les membres du groupe portaient des perruques) et à la tracklist constituée d'un tiers de reprises n'est pas franchement mauvais. Il est même plutôt sympathique. Les reprises (et pas des moindres : BEATLES, Hendrix ...) sont certes l'élément le moins intéressant de l'album, mais à leurs côtés se distinguent des chansons fort intéressantes : "One More Rainy Day", "Mandrake Root" ...

Certes le génie n'est pas encore là, mais on sent déjà le désir de Ritchie d'amplifier sa musique pointer le bout de son nez. Jon Lord est encore très marqué par la pop sirupeuse des 60's mais l'ouverture de l'album, très expérimentale, laisse entrevoir un avenir fait de tonnerre et de furie. Rod Evans n'est certes pas un chanteur très charismatique, mais sa voix est douce et élégante, sobre et vraiment classe. Du grand art. Personnellement j'aime beaucoup. Je passe toujours un bon moment quand j'écoute ce disque.

Sans compter que la suite sera encore meilleure !