Cette kro-express était à l'origine la chronique principale avant d'être réécrite par ERWIN

Comment faire revenir sur le devant de la scène un chanteur has-been : orchestrer son retour dans un album de reprises de « standards », chantés en duo avec certains artistes (plus ou moins) en vogue (les Cardigans, Nathalie Imbruglia, Portishead, etc.). Tout un concept, qui ne date pas de Mathusalem, mais pas loin. Et l’on peut dire, en cette fin de millénaire, que celui-ci a particulièrement réussi à Tom Jones, ex-célèbre crooner des années 60, jusqu’alors relégué aux oubliettes dorées de Las Vegas, à peine rappelé à notre souvenir (ou découvert, dans notre cas) grâce au film de Tim Burton, Mars Attacks.

Le contenu de l’album en question est extrêmement hétéroclite, ce qui fait que le terme de « variété » n’est pas une simple étiquette péjorative, mais une pleine qualification sémantique. Ainsi, on trouve dans la large besace de Reload (dix-sept morceaux...) des titres qui se rattachent à des genres aussi divers que la pop, le rock, le rock presque dur, le music-hall, le swing, le trip hop ou bien encore la dance. Le fil rouge, dans ce beau bazar, c’est évidemment la voix chaude et cuivrée de Tom Jones, parfois libidineuse dans le mauvais sens du terme et parfois spirituelle, dans le sens laïque et mélioratif du terme, soutenue par la voix plus ou moins discrète de l’invité.
Au niveau des arrangements, on distingue grosso modo trois orientations, qui se recoupent parfois, à savoir la configuration « rock » qui s’organise en comité ramassé, guitare, basse, batterie, la configuration « swing », typique des ringards de Las Vegas, qui fait appel à une section de cuivres voire à un big band entier, et la configuration « pop-dance » qui ajoute à la recette des effets électroniques, beat, scratch, etc., pour faire tendance. Le tout étant naturellement très propre et soft.

Mais derrière l’exercice de style à forte visée commerciale, quoique mené de manière professionnelle, il s’avère que l’on trouve de bonnes choses, et la diversité érigée en principe général en fait partie. De manière plus spécifique, des morceaux tirent leur épingle du jeu : « Mama Told Me Not to Come » chanté avec les Stereophonics, l’excellent « Are You Gonna Go my Way » en duo avec Robbie Williams, qui perd le côté « roots » de l’original de Lenny Kravitz pour gagner en solidité, l’accrocheur « Sunny Afternoon » avec Space, l’excellent « I’m Left, You’re Right, She’s Gone » qui vaut surtout pour la voix agréablement écorchée de Jame Dean Bradfield...
On ne va pas les passer tous en revue, mais on peut encore évoquer la ballade « Sometimes We Cry », qui met délicieusement notre crooner sexagénaire face à une autre pointure à la voix chaude et cuivrée, Van Morrison, ou encore le « Baby, It’s Cold Outside » avec Cerys Matthews, à l’interprétation très sensuelle, voire carrément sexuelle. Le morceau qui a servi de déclencheur pour le retour en popularité de Tom Jones, c’est « Sex Bomb », mais j’avoue que ce n’est pas franchement ma tasse de thé ; les arrangements « pop-dance » semblent trop dopés au viagra pour vraiment recueillir mon agrément. En gros, sans vouloir faire de métaphore libidinale, on peut dire qu’il s’agit de l’arbre qui cache la forêt, car le reste des morceaux, emboîtement « pop-rock-swing », possède des vertus autrement plus satisfaisantes.

En conclusion, il s’agit d’un album plutôt plaisant, ni trop ringard, ni trop dans l’air du temps, sympathique à écouter de temps en temps pour se rappeler qu’il n’y a pas que « It's Not Unusual » dans l’histoire de Tom Jones. Pas sûr que l’on puisse bâtir une nouvelle carrière à partir de la formule de ce Reload, mais au moins, cela constitue un petit coup d’éclat.