En 1978, ALICE COOPER, englué dans de graves problèmes d’addiction à l’alcool, est au plus mal. Selon la légende, pour écrire From The Inside, ALICE s'est inspiré de son récent séjour dans un asile pour déséquilibrés dans lequel il a été traîté pour ses problèmes d’alcool. On se retrouve donc un peu dans la configuration de l’excellent DaDa (1983), face à un disque assez intimiste et de manière assez surprenante très soft sur le plan musical.

Son passage en 'Maison de fous' où il aurait côtoyé quelques spécimens particulièrement allumés sert d’ailleurs de base à plusieurs morceaux. Et notamment "From The Inside", "The Quiet Room", ou bien le déjanté "Inmates (We’re All Crazy)" et ses chœurs aux accents déments.

Si, musicalement, on oscille entre un rock assez soft et de la variété un peu pompeuse, en revanche les paroles nous offrent le meilleur d’ALICE COOPER. Loin du sensationnalisme d’opérette qu’il affectionne parfois lorsqu’il revêt son habit de Monsieur Loyal ou des délires outrageux du sieur COOPER, ALICE se montrant ici sincère et poignant propose un album de Vincent Furnier, une œuvre beaucoup plus personnelle.

Mais ne nous méprenons pas, la musique tient la route. La rumeur veut qu’ALICE soit tombé sur Bernie Taupin en sortant de son asile, rencontre qui l’aurait orienté dans le choix de la direction musicale. Ce qui est certain, c’est que l’acolyte d’Elton JOHN, est crédité sur tous les titres de From The Inside et que l’on peut retrouver son sens de la mélodie assez légère tout au long de cet album. Par ailleurs, et bien que nous évoluions dans un registre rock assez basique, ALICE COOPER s’est entouré d’une pléiade de musiciens assez impressionnante. Outre les fidèles Dick WAGNER et Steve HUNTER aux guitares, on peut également trouver Steve LUKATHER (TOTO) au même instrument.

Deux autres membres de TOTO (qui venait tout juste de sortir son premier album) sont également présents, David Hungate à la basse et Bobby Kimball aux chœurs. Ces derniers sont assurés, entre autres, par FLO & EDDIE, deux ex-THE MOTHER OF INVENTION qui venaient de sortir leur premier album sous la houlette de Bob Ezrin, et par Kiki Dee connue notamment pour son duo, "Don't Go Breaking My Heart", avec Elton JOHN. Si l’on tient compte du fait que le bassiste Dee Murray est également issu de l’entourage musical d’Elton JOHN, on peut se dire que le monde est bien petit.

Alors, soit, on peut regretter que tous ces musiciens n’aient pas été mis au service d’une musique un peu plus complexe. Mais on ne peut que se réjouir de la qualité d’interprétation (l’intro de la chanson "From The Inside" est un délice) et plus particulièrement de la justesse des chœurs, ce qui n’a pas toujours été le cas avec ALICE. Une grande partie des titres sont des ballades, ou bien des Power ballades ("How You Gonna See Me Now", "Quiet Room", "Millie & Billie"). Et si ALICE COOPER continue d’utiliser celles-ci comme single, on ne saurait lui en tenir rigueur tant la qualité et l’émotion sont au rendez vous. Ainsi, dans le très touchant "Quiet Room", il décrit l’univers dans lequel il était 'emprisonné' lors de sa cure de désintoxication. On oscille en permanence entre douceur, mélancolie et noirceur.
Avec "How You Gonna See Me Now", l’émotion et la sincérité sont également au rendez-vous. Ce titre est une déclaration adressée à sa femme où il évoque de manière très pudique les craintes qui l’animent avant de retrouver la maison conjugale qu’il a abandonnée de manière fort peu élégante. ALICE COOPER, comme il l’affectionne souvent, endosse le rôle de crooner un peu de la même manière que le fera Mike PATTON quelques années plus tard. Quant à "Millie & Billie", c’est un duo avec Marcy Levy (Bob SEGER, Eric CLAPTON's band) qui parait assez léger à la première écoute mais qui recèle de belles harmonies vocales.

Mais au-delà de ces douces romances, ce qu’il faut retenir de From The Inside, c’est la qualité générale des titres présents ici. Magnifiés par des arrangements et une orchestration de grande qualité, ceux-ci sont quasiment tous à classer au rang de classiques. Comme souvent, ALICE COOPER se montre schizophrénique. Oscillant entre tendresse et noirceur, douceur et folie, il se montre très habile pour entraîner l’auditeur dans un univers aussi riche que diversifié où il se montre tour à tour crooner, fragile, pompeux, inquiétant. Outre les excellentes ballades, on peut mettre en avant les deux titres particuliers que sont "Serious", dans lequel le chanteur porte un regard cruel et lucide sur son propre parcours artistique et commercial, et "Inmates (We're All Crazy)" qui clôt l’album dans un foisonnement d’ambiances, nous ballotant de sonorités classiques en chœurs aliénés au service de paroles retraçant à merveille les tourments qui le dévoraient.

Il manque vraiment peu de choses à From the Inside pour être considéré comme l’un des meilleurs albums d’ALICE COOPER. Un peu de la folie artistique de DaDa (1983), un peu de de l’efficacité rock de Welcome to My Nightmare (1975), et le tour était joué. Ce disque n’en reste pas moins une réussite d’autant plus remarquable qu’elle intervient à une période où Vincent Furnier n’était plus réellement parmi nous.