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  The Last Temptation
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ALICE COOPER - Welcome To My Nightmare (1975)
Par LONG JOHN SILVER le 7 Mars 2015          Consultée 5624 fois

La légende rapporte ceci : Alice Cooper est le nom d’une sorcière brûlée vive au XVIème siècle et il a été transmis à Vincent Furnier pendant une séance de spiritisme, alors que celui-ci cherchait une nouvelle appellation pour son groupe, une fois que "The Spiders"* fut abandonné. Or, Alice est américain.
Et comme mentionné par John Ford** : quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende.
Vincent, dernier représentant mâle de la lignée Furnier en âge de procréer, est devenu ALICE COOPER. Matronyme rayant à terme du registre le nom issu d’une famille d’origine française descendant de La Fayette.*** Son premier album solo porte tout naturellement le nom nouvellement inscrit à l’état civil.

Or, Alice va se trouver un autre avatar personnalisé par 'Steven', un enfant de huit ans qui n’est autre qu’Alice jeune. Naissance d’un psychotique toujours en activité. De face, sur la pochette, Alice est représenté en M. Loyal, soit "Mr Nice Guy" sans maquillage. Mais la veuve noire parcourt son dos. Welcome to My Nightmare est également un album pionnier, dans le sens où le dernier des Coop' fait entrer le concept dans un disque de Hard-Rock. Ou du moins étant censé l’être. Je ne vois pas de précédents. Par contre, les successeurs sont maintenant légion. W.T.M.N est un disque avant tout surprenant, traversé par une grande variété de styles. Voilà : Variété, le vilain mot est lâché. Je sais, c’est mal.
Mais ALICE COOPER, C’EST le mal, donc SAIT le mal, par ailleurs il appuie bien fort là où il le faut. Les ingrédients de la culture de masse se voient détournés alors vers les champs horrifiques de la culture populaire émergente. Application exacte de ce que définit le terme pop. Les ambiances glauques vont s’agréger de trames qui tiennent beaucoup de la musique qu’on entend dans les séries télévisées américaines de l’époque, avec l’emploi de cuivres funk/jazz. C’est parfois délicieusement kitsch. Comme une revue de cabaret.
Conjointement à cela, le son des guitares se fait plus épais et plus lourd, presqu’Heavy avant l’heure ("The Black Widow"), la production grandiose se chargeant de faire passer la pilule. On pense à l’univers psychanalytique de Tim Burton, à celui baroque'n’gore du "Val Dormant" bien plus qu’à celui de l’inodore "Alice". Evidemment. "Only Women Bleed". Alice était une sorcière. Tout concorde.

Alice nous salue de son couvre-chef puis prononce un discours de (re)présentation : Bienvenue dans mon cauchemar, Je pense que vous allez l’aimer et ne craignez rien, tout ce qui suit n’est que pur produit de mon imagination. Vous êtes confortablement assis en sécurité chez vous et ceci est avant tout un interlude créé pour vous divertir.

Âmes sensibles, tout ce qui va suivre vous concerne.

"Welcome…" est une ballade soul pépère, à la mélodie immédiate portée par un orchestre de série noire et ventilée par une trompette prise depuis les clubs enfumés de la Ville du Vice. L’humour se cuivre d’atours clairement mainstream. Mais cette entrée fait office d’avertissement. Ce qui s’ensuit est ébouriffant d’audace et d’inventivité, l’orchestration y est à la fois grandiose, luxuriante et barrée, les guitares s'y font tranchantes comme des lames de rasoirs au bon moment. Les tubes, indispensables à toute grande œuvre, s’enfilent comme des perles autour du cou de la reine de la nuit. Ils vont se muer en rivières de disques d’or. La musique varie, le cauchemar de l’enfant traverse les trois quarts d’heure de l’œuvre, permettant au passage, au personnage, d’évoquer son alcoolisme ("Cold Ethyl"). Lequel n’est pas absent quand violence est faite aux femmes ("Only Women Bleed"). Steven se réveille à l’âge adulte, découvrant autour de lui des taches d’un sang probablement féminin qu’il peut suivre à la trace sur le sol de son domicile.

Passée l’exposition, "Devil’s Food" et "The Black Widow" se montrent beaucoup plus agressifs. Les grosses guitares Heavy se déchaînent suite à quoi une basse menaçante accompagne le propos, jouée par le comédien Vincent Price****. Fade out, fade in, l’araignée noire sort de son antre et on voit clairement ses mandibules s’agiter, le venin fatal perler. Les snaps de "Some folks" nous ramènent à Broadway mais son final en apothéose se fait nettement plus rock’n’roll, le travail des guitares y étant redoutable de précision et de justesse d’interprétation. On frémit de plaisir sans une once de culpabilité. Le sang de la ballade "Only Women Bleed", évocateur et organique sans être clinique, est celui de la femme qui tombe sous les coups de son compagnon. Le décalage avec le romantisme de l’habillage ne peut être plus énorme... et ça passe ! "Only Women Bleed" est belle à se faire damner pour la ravissante sorcière qui l’a inspirée. Et à finir comme elle : en cendres.

C’est d’abord Vincent, l’anonyme qui picole au bar au lieu de rentrer chez lui, qui la pousse. Avec son humanité faite de contradictions et d'addiction(s). Mais c’est bien Alice qui la consume sur le pont.
Autre gros hit, "Department Of Youth" est un manifeste rock roboratif plein d’humour qui racole outrageusement la jeunesse pour se la mettre dans la poche et atteint son objectif haut-la-main (We are department of youth, just me and youth). Plus c’est gros… Plus incisif encore, "Cold Ethyl" est aussi un titre irrésistible : les guitares acérées reprennent leur marche impitoyable, l’ambiance est jouissivement malsaine. Comme une longue ouverture pour la macabre "Steven", "Years Ago" fait office de marche funéraire de bastringue. Puis suit "Steven", possédée par un thème récurent proche de "Tubullar Bells", ce qui nous remet immédiatement L’exorciste à l’esprit, soit un des films les plus traumatisants de l’histoire du 7ème art.

La mélodie chantée est somptueuse sous couvert d’une interprétation torturée, ensuite l’orchestre lance les premières flammes, les cordes se font volutes toxiques, nappes emphatiques et les guitares deviennent magistrales. On a voyagé depuis une procession de rue miteuse jusqu'aux sentiers de perdition. Filmés en cinémascope et en technicolor. L'emphase de la production évoque Cecil B. DeMille mais aussi le contenu de quelques films italiens. Malgré l’humour omniprésent, le réveil n’est pas rassurant. On a senti quelque chose se passer pendant qu’on divaguait en écoutant l’album bien tranquillement chez soi. Et si on craint le pire, on se doute que rien ne sera jamais plus comme avant. Malgré "Escape" qui achève l'oeuvre avec la bonne humeur d'une parade de saltimbanques. Lou REED est encore dans les esprits de pas mal des intervenants, or cette ritournelle pourrait être portée par sa voix de velours caverneuse nonobstant son entrain.

Mais tout de même… peut-être est-ce l’air qui s’est rafraîchi ? D’ailleurs, le soir tombe. A nouveau.

Pendant les sessions, Michael Bruce rend visite à celui qu’il pense encore être le chanteur de son groupe. Mais il est clair désormais que cet homme-là n’existe plus et il doit se rendre à l’évidence : aucun retour en arrière n'est possible. Alice a réussi son coup au-delà des espérances en maintenant un niveau créatif digne de succéder à celui de son ancien groupe, le surpassant même parfois, lui permettant désormais de s’en accaparer nom, destin ET héritage. "LE" Coop’ vient juste de bâtir LE temple à la démesure de son ambition. Il l'inaugure en s’y exposant bien plus qu’il n’y paraît. D’ailleurs, l’association COOPER/Ezrin qui a produit et réalisé W.T.M.N entretie0nt une sorte de filiation avec le duo Phil Spector/John LENNON qui a érigé Imagine, notamment à sa façon de mettre un mur de son sur des thèmes personnels, pour ne pas dire introspectifs. On retrouve un tas de ces (bonnes) idées éparpillées plus tard sur les albums de Michael JACKSON (Thriller) ou encore de PINK FLOYD (The Wall), mais pas uniquement. Pour dresser le constat définitif, on prend alors un bon bol d’air : "La sorcière Alice Cooper s’est transfigurée dans un groupe depuis réduit à un duo (son chanteur à la ville / son personnage à la scène), taraudé par lui-même (si,si) gamin, qu’un cauchemar change en adulte. On reprend sa respiration."

Et on relit le chef d’accusation :

- Cet homme est légion. L’enfer l’attend de pied ferme. Au prochain croisement.


* Le caramel enrobé de chocolat de provenance extra-terrestre, ce sera David BOWIE déjà précédé sur le fil des accessoires féminins.
** Non pas le fabricant d’autos, même si Alice est de Detroit.
*** Bien relire juste au-dessus.
**** Sorte de leader dans son château hanté.

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   LONG JOHN SILVER

 
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   (2 chroniques)



- Alice Cooper (chant)
- Bob Ezrin (claviers)
- Vincent Price (voix)
- Dick Wagner (guitare)
- Steve Hunter (guitare)
- Prakash John (basse)
- Tony Levin (basse)
- Pentti Glan (batterie)
- Johnny Badanjek (batterie)
- Gerry Yons (guitare)


1. Welcome To My Nightmare
2. Devil's Food
3. The Black Widow
4. Some Folks
5. Only Women Bleed
6. Department Of Youth
7. Cold Ethyl
8. Years Ago
9. Steven
10. The Awakening
11. Escape



             



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