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Wolfgang Amadeus MOZART - Messe En Ut Mineur (herreweghe) (1783)
Par MARCO STIVELL le 7 Juillet 2012          Consultée 4872 fois

L'art de la musique sacrée, c'était encore quelque chose qui concernait tous les grands compositeurs à l'époque de MOZART. Plus qu'un défi, la Messe ou Grande Messe en Ut Mineur est pour le jeune génie de Salzbourg la réponse à une promesse faite "au fond de son cœur" à son père, s'il parvenait à épouser Constanze Weber, et afin de la guérir de sa maladie en louant la grâce de Dieu. A cette même époque, il venait de s'installer à Vienne et d'y découvrir deux compositeurs tombés dans l'oubli : Haendel et Jean-Sébastien Bach. Du premier, il retient en particulier cette capacité à insuffler du drame à sa musique par des formules bien précises, et il s'inspirera largement de la science du contrepoint de Bach, soit toutes les règles les plus strictes en ce qui concerne l'élaboration des mélodies. La Messe en Ut Mineur est pourtant une œuvre inachevée, il n'y a pas d' "Agnus Dei" et le "Credo" n'est pas poursuivi au-delà de ses deux premières parties. Néanmoins MOZART l'a bien dirigée lui-même à l'abbaye bénédictine de Salzbourg le 26 octobre 1783, en trichant sûrement et reprenant d'anciennes partitions pour la compléter ce jour-là.

Le disque enregistré par Philippe Herreweghe, ses deux ensembles vocaux la Collgium Vocale et La Chapelle Royale ainsi que l'Orchestre des Champs Elysées sous sa direction, débute pourtant par un léger anachronisme avec la "Meistermusik", séparée de la Messe. MOZART a en fait écrit cette partition quelques temps après, pour son intronisation au sein de la communauté franc-maçonnique et pour tous, elle sert de relais entre la Messe et le futur Requiem. La tonalité choisie est là aussi celle d'ut (ou do) mineur, mais c'est en référence à l'un des signes de la franc-maçonnerie (trois bémols à la clé). Et ce n'est d'ailleurs pas le seul, il y a trois parties dans cette pièce, dont la seconde interprétée par le choeur d'hommes. Enfin, il y a un phénomène de résurrection illustré par le tout dernier accord joué par l'orchestre qui est... ut majeur, et non mineur (donc plus "ouvert", moins "triste"). C'est d'ailleurs l'occasion pour rappeler à quel point cette communauté et le catholicisme pouvaient être proches à l'époque, dans leurs idées. Globalement ce morceau nous introduit dignement au culte selon MOZART, avec notamment de splendides nappes de cordes en crescendo puis repos au début, un beau jeu de dynamiques (notes fortes ou chuchotées) sur le final, un pathos maîtrisé, et bien sûr ce choeur d'hommes d'une finesse à couper le souffle.

Autant d'aspects que l'on retrouvera dans toute la Messe, ou presque. Le jeu de dynamiques ressort en particulier sur le "Qui Tollis", le "Kyrie Eleison" et le "Gloria" -dont on peut aisément rapprocher le "Sanctus" en termes de composition et d'arrangement-, où les cordes et vents passent instantanément d'une nuance fortissimo (très fort) à un repos souvent fragile, quand ce sentiment n'est pas renforcé par la présence du chœur. Et, même lors des passages rythmés par les timbales, on ne pourra que rester admiratif devant ce que j'appelle ce "pathos maîtrisé", qui ne se laisse pas déborder et comporte toujours une grande part de finesse, aussi bien dans la partition que l'interprétation... La partition baigne certes dans le classicisme ambiant de l'époque, mais à l'époque, MOZART ne se voyait plus serrer la vis par son ancien employeur le prince archevêque Colloredo, avec qui il était en désaccord constant. Du coup, il a commencé à se lâcher à certains moments, comme ce fabuleux "Qui Tollis", basé sur un rythme uniforme qui crée un balancement austère -une référence à la rémission des péchés- mais aussi libéré par harmonie plus complexe qu'il n'y parait, et en tout cas défiant les canons de l'époque.
On parlera peu de crescendos suivis de repos, il y aura principalement en fin de pièces des montées de choeurs très caractéristiques de la musique liturgique, ou sacrée. Mieux que cela, le travail de contraste sur le choeur entre les morceaux nous laissera... sans voix ! Pas un seul moment que l'on pourrait qualifier de terne, mais par exemple on passe en un rien de temps de la noirceur du "Qui Tollis" à ce "Jesu Christe" tout aussi magnifique mais très différent. Tout l'orchestre est présent, mais c'est aussi le cas du choeur qui enchaîne les paroles sans jamais s'interrompre, dans un savoureux contrepoint et offrant une impression de liesse.

L'interprétation de Philippe Herreweghe reste donc un sommet instrumental et choral, servant comme il se doit cette oeuvre magistrale, qui reste l'un des chefs-d'oeuvre de musique sacrée. Maintenant, il convient de parler des interprètes, car c'est un peu comme manger un gâteau aux pépites de chocolat blanc, mais sans pépites de chocolat blanc. Au-delà de cette métaphore résolument nulle, dans le très petit lot d'interprètes, on décèle des saveurs qui sont propres à l'excellence des choix d'un cuisinier comme Herreweghe. Sa version de la Messe en Ut Mineur pourrait ne se résumer qu'à un atout tant il est puissant : Christiane Oelze. Cette jeune soprano possède une voix de déesse, rien de moins. Bien souvent on entend des amateurs de musique populaire cracher sur les voix lyriques, je pense sincèrement que s'ils entendaient Christiane Oelze, ils changeraient d'avis ! Quoiqu'il en soit, on remarque facilement la différence avec Jennifer Larmore qui du coup parait bien plus abrupte et "classique" ! Ecoutez le "Domine Deus" où elles chantent en duo, et qui sonne par ailleurs très opéra, preuve de la diversité de l'œuvre. Même, Larmore seule comme sur le "Laudamus Te" avec ses cavalcades un peu floues pourrait figurer comme la seule faille dans les choix d'Herreweghe... Mais rien à faire. On savoure celle de Christiane Oelze et cela gomme les éventuelles imperfections qui n'ont plus lieu d'être. Rien que le "Kyrie Eleison" suffit à nous convaincre qu'il n'y a rien à regretter à écouter cette version. Mieux encore, Oelze s'approprie le "Et Incarnatus Est", ce sommet de solo suave, au point qu'on se plait à l'imaginer le 26 octobre 1783 à la place de Constanze, la femme de Wolfgang. Comme si elle l'avait toujours interprété... Rien que pour cela, écoutez ce disque !

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   MARCO STIVELL

 
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- Philippe Herreweghe (direction)
- Christiane Oelze (soprano)
- Jennifer Larmore (soprano)
- Scott Weir (ténor)
- Peter Kooy (basse)
- La Chapelle Royale
- Collegium Vocale Gent
- Orchestre Des Champs-Élysées


1. Meistermusik
- messe En Ut Mineur
2. Kyrie Eleison
3. Gloria
4. Laudamus Te
5. Gratias
6. Domine Deus
7. Qui Tollis
8. Quoniam
9. Jesu Christe
10. Credo
11. Et Incarnatus Est
12. Sanctus
13. Benedictus



             



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