Il serait il est vrai quelque peu osé de placer le duo Lessman / Ziller au même niveau que celui de Lennon / McCartney , Page / Plant ou Schenker / Meine... Mais tout de même, force est de reconnaître que les deux musiciens ont participé à écrire une des plus belles pages de l'histoire du hard rock allemand. BONFIRE, longtemps qualifié de « nouveau Scorpions » à ses débuts, aura en effet connu une carrière faite de hauts et de bas, mais d'une longévité à faire pâlir plus d'un aspirant rockeur. S'entendant comme chien et chat, Claus Lessman et Hans Ziller, s'ils ne seront pas toujours parvenus à mettre de côté leurs différences au profit de la musique, auront permis de confirmer que le hard rock US pouvait tout à fait être une affaire d'Européens.

Avant la reconnaissance, il y a forcément les débuts. Paru en 1981, le premier album du groupe qui se nomme alors CACUMEN, arrive assez tard sur la scène hard rock. La porte est déjà largement ouverte aux influences américaines, et le hard rock de Kiss, Alice Cooper ou Journey a envahi les ondes germaniques. Pour autant, et comme Scorpions en son temps, le groupe du jeune Hans Ziller puise plutôt son inspiration dans la musique rock et les années 50 et 60, dont les influences se retrouvent à plusieurs reprises sur ce premier opus (« Lovesong », son intro à la « Johnny B Good » et son solo d'harmonica notamment).

Lorsqu'il arrive sur le marché du disque, CACUMEN est déjà un groupe expérimenté. Fondé en 1972 par son guitariste et principal compositeur Hans Ziller, il franchit un premier palier lorsque, à la fin de la décennie, il recrute le chanteur Claus Lessman, en compagnie duquel il enregistre et publie le single « Riding Away » en 1979, représentatif de la teneur de l'album qui suivra deux ans plus tard. Alors que le glam-rock s'impose peu à peu, le jeune groupe d'Ingolstadt mise pour sa part sur un classic-rock qui lorgne autant du côté du hard rock 70's que des seigneurs du rock des 60's. Et surtout, déjà, cette envie d'infuser sa musique de l'influence américaine (les paroles de « Berlin Girls ») que le groupe n'aura de cesse de renforcer tout au long de sa carrière. L'ensemble est naturellement encore tâtonnant, mais les morceaux proposés sont déjà carrés et convaincants. Mieux, de par leur côté juvénile, ils constituent un hard rock énergique et immédiat porté par des mélodies très inspirées. Si le côté direct de « Long Way » ou « On the Rocks » témoigne d'un groupe désireux de s'affirmer, CACUMEN fait déjà preuve d'une certaine audace en proposant des titres alambiqués, comme autant de témoignages d'un grand potentiel. A l'intro « Pink-Floydienne » de « No Reason To Fight » succède une power-ballad typiquement 70's, qui n'aurait pas dépareillé sur un album de Scorpions ou Blue Oyster Cult (ce riff à la « Astronomy »). « Magic Spell », qui évoque les grands espaces américains, débute pour sa part comme une ballade avant de se transformer en un titre hard rock énergique, dont la basse ronde et sautillante tire son épingle du jeu.

Cette excellente première offrande voit son impact renforcé par le chant déjà écorché de Claus Lessman, et par les soli virtuoses d'un Hans Ziller dont la vision artistique prend enfin vie. Si certains titres paraissent aujourd'hui un peu faciles ou patauds (« On the rocks », « You are near », l'ensemble bénéficie d'une cohésion qui fait de ce premier témoignage une très belle réussite. Une réussite qui en appellera d'autres...