La hache de guerre enterrée depuis 1993, la réconciliation cristallisée par la réalisation d'un album commun cette même année, Claus Lessmann et Hans Ziller ont tous deux envie de reprendre le contrôle de leur "bébé" BONFIRE qui leur a échappé des mains. La chose n'est pas aisée. Ce sont les membres de la précédente formation du groupe (parmi lesquels Angel Schleifer et Joerg Deisinger) qui en sont les dépositaires. Et ces derniers semblent bien décidés à poursuivre l'aventure sous ce nom en compagnie du chanteur Michael Bormann (voir les démos End of An Era de 1994), même si un nouvel album se fait attendre. Finalement, Lessmann et Ziller parviennent à racheter les droits du nom à leurs anciens camarades de jeu qui s'en iront (tout du moins pour Schleifer et Bormann) fonder le groupe CHARADE, sorte de spin-off à l'intérêt limité. De leur côté, les deux anciens nouveaux amis décident pour ne pas perdre de temps d'enregistrer rapidement l'album du come-back. Pour ne pas s'embarrasser de formalités (et puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même), le groupe décide de faire appel à des musiciens de sessions pour le mettre en boîte. La basse est assurée par Ken Taylor et la batterie par Curt Cress. A noter que tous deux ont également collaboré avec SCORPIONS dans le courant des années 90.

Le résultat, Feels Like Comin' Home, est un album mou et poussif, bien loin de la flamboyance que ce retour pouvait laisser espérer. Il faut dire que du temps a passé et que la période n'est plus si propice au hard rock direct qui était la vitrine du groupe dans le courant des années 80. Raison de plus pour Claus Lessmann, grand amateur de l'imagerie américaine et de rock sudiste, d'orienter ce nouvel album vers des sonorités rock, country, plutôt adaptées à son timbre de voix blues, il faut bien le reconnaître. Le résultat tombe malheureusement à plat. Constitué en partie de versions retravaillées de morceaux qui constituaient l'opus Lessmann/Ziller de 1993, Feels Like Comin' Home alterne entre la redite et l'indigence.

Il y a bien quelques éclairs de génie, resucées ou pas. "Easy Come Easy Go", doté d'un riff mordant, est présenté en intro : c'est le seul titre "énervé" que BONFIRE nous propose sur cet opus. Très vite, dès le deuxième titre en fait, les guitares acoustiques sont de sortie, tout comme les ambiances country/rock qui les accompagnent. Le résultat n'est pas mauvais, loin de là, puisqu'il y a toujours "l'âme" BONFIRE qui transparaît dans ces titres gentillets. Mais on aurait aimé un mélange mieux dosé, une audace plus portée sur l'énergie que sur la sécurité de rythmiques "plan-plan" qui peinent à maintenir notre intérêt. On en retire bien quelques petits moments savoureux, comme la ballade épique "Feels Like Comin' Home" qui donne son nom à l'album, le country-rock "Mama" qui ressemble fortement à ce que proposait GOTTHARD à cette même époque, "Whenever You Cry (I'll Be There)", qui mêle avec réussite distorsion et claviers ostensibles, au son d'un riff sympathique, ou encore la tendre ballade "Rock'n'Roll Cowboy", dotée d'une bien belle mélodie en arpèges.

Le reste ressemble surtout à une soupe sans grande saveur. Le BON JOVIen "Highway To Your Dreams", qui évoque les grands espace américains, ou la belle reprise de "I'd Love you to Want Me" (Lobo) n'y changent rien. L'album se voit noyé sous les bons sentiments. Plus de la moitié de l'opus n'est que miel et délicatesse, et ce qui revêt une saveur particulière et délectable lorsqu'utilisé avec parcimonie provoque ici une belle indigestion.

En guise de retour, BONFIRE (pour l'instant Lessman/Ziller et une paire de mercenaires) livre un album dont on ne retient malheureusement pas grand chose. Quelques bonnes idées, et une tonne de ballades country/rock qui peinent à nous évoquer le brillant passé de la formation allemande. Il faudra attendre l'année suivante et le retour à une formation stable à cinq pour que la musique du groupe reprenne véritablement des couleurs.

A noter la sortie simultanée de Freudenfeur, doté d'une pochette similaire (avec des tons rouges), qui n'est autre qu'une version de Feels Like Comin' Home avec des paroles en Allemand. Inutile de vous préciser que l'intérêt de cette sortie est le même : superflu !