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ALICE COOPER - Alice Cooper Goes To Hell (1976)
Par LONG JOHN SILVER le 28 Février 2016          Consultée 4908 fois

ALICE COOPER se trouve invariablement cantonné au rayon hard-rock dans les magasins et magazines. Pourtant, dès ses origines, le groupe suivi du bonhomme seul couvraient un spectre assez large de la musique pop avec un goût prononcé pour les ambiances Grand Guignol*. La musicalité affinée des titres, l’éclectisme, ont toujours fait partie de l’univers du bonhomme à la manière d’un BOWIE qu’il a précédé de peu sur le terrain des extravagances autant musicales que visuelles, avant les SPARKS ou QUEEN. ALICE nous avait habitué à être étonnés soit, mais que pouvait-il faire de plus après Welcome To My Nightmare ?
Bah, une suite, tiens ! Bah oui ! Au moins, on ne peut reprocher à Bob Erin et à Vincent de ne pas en avoir dans les idées. Si, formellement, A.C.G.T.H n'est pas -vraiment- une suite au sommet précité, in hell on retrouve tout de même Steven, le gamin dérangé apparu un an plus tôt, ce qui est presque aussi rassurant que de croiser Norman Bates dans un hall. Du coup, on se dit qu’on est en terrain malsain mais pas inconnu. Malgré cela, Goes To Hell est un album déroutant.

Pas quasi-parfait comme son prédécesseur, ça non, mais probablement plus inclassable, ce qui nous ramène au préambule de cette chronique. Commençons par ce dont on se doute : ce disque aborde des thèmes glauques : un psychotique s'y promène en liberté comme dans les séries, qu'elles soient B, Jaunes plutôt que Noires ou simplement de genre.
Vincent expose son alcoolisme dans le single "I Never Cry". Devenant dans la foulée son plus gros succès, cette ballade classique, pas mal fichue, est un écho de "Only Women Bleed". Moins marquante, elle illustre la partie la plus ouvertement mainstream de cette traversée des enfers.
"Go to Hell" s'avère tout de même nettement plus fun : l’entrée en matière, son rythme vaudou, ses guitares acérées, son texte hilarant, sa mélodie roborative, tout ce bazar de façade préfigure largement The Wall des vous-savez-qui. Ce titre incontournable relève cependant de la fausse évidence. En effet, juste après, déboule "You Gotta Dance"... Du disco ! ALICE devançant Patrick HERNANDEZ et les VILLAGE PEOPLE ! Évidemment, les guitares sont en pointe. On comprend aussitôt pourquoi la paire Hunter/Wagner était tant demandée : ces mecs-là sont des tueurs hyper-performants. Mais qui sont les autres ? Bah, jette un regard sur le line-up, je ne l’écris pas pour rien ! Goes To Hell est un voyage qui secoue l’auditeur comme un prunier avant de le livrer au bras séculier des ambiances smooth pour mieux envoyer de gros riffs au moment où il ne t’y attend plus. Passé "I’m The Coolest"**, à la suavité tropicale poisseuse et infestée, qui commence sur le même rythme que l’éponyme, arrive "Didn’t We Meet". On pense tenir une ballade mièvre alors que, devenant subitement hargneuse, elle tourne au garage-rock pour production (d’époque) maousse. La ballade mièvre dans sa musique hard dans son texte, "I Never Cry", c’est juste après.

Sur la 2ème face (Non ! Pas sur ton pod !), "Give The Kid A Break" (au fait, vous ai-je parlé de The Wall ?) est du LENNON pur-jus. LENNON est resté une idole, avec lequel Vincent a passé des heures à picoler mais aussi à échanger. Si le son Larger Than Life des titres les plus pop rappelle celui de Phil Spector, il s’en affranchit sur les titres plus tranchants tels "Guilty", un rock teigneux réjouissant qui apparaît régulièrement en concert. C’est sur un passage outrageusement tartignole que Steven sorti de son cauchemar se réveille en enfer. Bonjour les progrès, on y écoute de la variété frelatée au son de "Wake Me Gently". Le Coop’ ne craint pas le ridicule, il l’affronte et en extrait une forme de cohérence. "Wish You Were Here" emprunte le balancement, les percus des sorciers de "Sympathy For The Devil", ce qui n’a rien d’innocent. Lisez leurs deux titres dans l’ordre chronologique, vous verrez. Voilà un morceau suffisamment dément et empli de second degré pour qu'on plonge et qu'on en prenne pour perpète avec son auteur.

Maintenant que vous êtes convaincus, la fin vient vous confondre en deux mouvements. D’abord avec "I’m Always Chasing Shadows" qu'on se croirait sortie de chez Walt Disney, chanson de revue US entre foire et cabaret, publiée en 1917, où la voix d’ALICE fait d’abord furieusement penser à celle de Ray Davies. On comprend mieux lors de la progression du titre toute la distance qu’il convient de prendre avec pareil habillage, ici pour masquer de mauvaises intentions. "Going Home" vient enfoncer le clou. Quel dommage d’enchaîner deux morceaux possédant des caractéristiques proches, même si on est maintenant plus près de l’univers des WHO ! Là encore, l'emphase héroïque imprime la bande-son de cette fable psychanalytique où ironie et faux-semblants sont des éléments clés.

Quasiment composé par le trio Cooper/Wagner/Ezrin, A.C.G.T.H ne laisse pas de surprendre, sans arriver au niveau de W.T.M.N – moins de titres marquants oblige – cet album imparfait, avec sa fin bicéphale où Alice pénètre plus loin l’antre de son rapport à la schizophrénie, mérite assurément qu’on y jette les oreilles. La dimension de variété internationale colle naturellement à l’univers vicié du Coop, comme une peau de chagrin. L'homme s’enfonce frénétiquement dans l’alcool alors qu'il vient de rencontrer la femme de sa vie, mais continue de mener un train d’enfer. Il a été, dans un passé proche, interdit de concert ça et là, ça vaut toutes les campagnes de promo et ça ne coûte rien. Alors il s’apprête à repartir en tournée, histoire de semer un peu plus la panique, afin de promouvoir ce disque devant des foules qu'il n'a cessé de voir s'accroître jusque là. Il n’en fera rien. Frappé d’anémie, ALICE COOPER se voit contraint d’annuler toutes ses représentations. Le verdict est tombé : guilty, sans appel.

* Le théâtre macabre parisien de la fin du XIXème siècle, pas la marionnette lyonnaise, laquelle a probablement moins marqué le jeune Vincent.
** À l'origine, cette chanson était destinée à Henri Winkler, comédien de la série Happy Days, celui-ci déclina de peur d'écorner son image, un comble !

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   (2 chroniques)



- Alice Cooper (chant)
- Dick Wagner (guitare,voix)
- Steve Hunter (guitare)
- Bob Babitt (basse)
- Jim Maelen (percussions)
- Jim Gordon (batterie)
- Tony Levin (basse)
- Allan Schwartzberg (batterie)


1. Go To Hell
2. You Gotta Dance
3. I'm The Coolest
4. Didn't Wee Meet
5. I Never Cry
6. Give The Kid A Break
7. Guilty
8. Wake Me Gently
9. Wish You Were Here
10. I'm Always Chasing Shadows
11. Going Home



             



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