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MUSIQUE CONTEMPORAINE  |  B.O FILM/SERIE

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- Style : Miles Davis
- Membre : Bande Originale De Film
- Style + Membre : Edda Dell'orso

Ennio MORRICONE - Il Etait Une Fois Dans L'ouest (1969)
Par AIGLE BLANC le 21 Février 2023          Consultée 2053 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

S'il fallait dresser un panthéon aux musiques de films les plus adulées de l'histoire du 7ème art, nul doute que s'y côtoieraient celles de Gone With the Wind (1938) de Max STEINER, une des oeuvres de Bernard HERMANN, Psycho-1960- ou Vertigo-1958, Ascenseur pour l'échafaud-1958 de Miles DAVIS. On y croiserait également Bullitt-1968 ou Dirty Harry-1971 de Lalo SCHIFRIN, l'un des opus des deux Sagas James Bond (Goldfinger-1964- de John BARRY) et Star Wars-1977 de John WILLIAMS (peut-être L'empire contre-attaque-1981), sans oublier Halloween-1978, autre saga au long cours initiée par le film éponyme de John CARPENTER. Parmi d'autres scores électroniques, figureraient en bonne place Forbidden Planet-1956 de Louis & Bebe BARRON et Blade Runner-1982 de VANGELIS.

Même en acceptant sa non exhaustivité assumée, la liste ci-dessus ne saurait prétendre à la décence sans l'ajout d'une oeuvre au moins d'Ennio MORRICONE. Du strict point de vue populaire, et bien que le Maestro ne nourrisse pas à leur égard un fol enthousiasme, il est fort à parier que seraient citées en premier lieu non moins que les deux Trilogies de Sergio Leone, les fans risquant de ne point pouvoir départager leurs B.O, toutes également admirées et considérées comme l'un des sommets de l'oeuvre morriconienne, en terme d'inventivité et d'arrangements. Il est ainsi évident que le score de C'Era Una Volta Il West -Il était une fois dans l'ouest-1969, premier volet de la seconde trilogie, jouit d'une réputation qui en fait un jalon iconique des musiques de films.
Pourtant, sans remettre en cause ses valeurs historique et artistique, il n'est pas interdit de lui dénier cette supprématie au sein des deux trilogies. En effet, Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo -Le Bon, La brute et le Truand -1966 jouit dans ses meilleurs moments de compositions bien plus puissantes (ah "L'Estasi Dell'Oro" !) ; quant au score de Per Qualche Dollaro in Più - Pour quelques dollars de plus – 1965, il semble à bien des égards le surpasser en inventivité globale.
Initiant la seconde trilogie du dollar, C'era Una Volta il West, et bien qu'amorçant une profondeur musicale marquant la maturation d'une inspiration filmique indéniable, cette B.O se voit ternie par ses deux séquelles Giù la Testa – Il etait une fois la révolution – 1971, aussi lyrique mais bien plus variée dans ses climats, et C'Era Una Volta In America – Il était une fois l'Amérique – 1984, dont l'inspiration lui a valu de nous offrir une suite de thèmes tous aussi bouleversants les uns que les autres, à mon sens le sommet de MORRICONE dans le cadre de la filmographie de Sergio Leone.
Une fois émises ces quelques réserves, il s'agit de rendre à cette pièce musicale du 7ème art la place qui lui est due, difficilement contestable sans recourir à la mauvaise foi.
Fidèle à sa démarche, Ennio MORRICONE construit sa partition autour de trois thèmes dont chacun consacre un personnage du récit, thèmes qui se voient par la suite réitérés, leur occurrence sous réserve de variations subtiles traduisant les rémanences de la mémoire. C'est ce qu'ont toujours visé les films de Sergio Leone dont l'aboutissement de la recherche sur le Temps proustien jaillit à l'occasion du dernier volet de la seconde trilogie, C'Era Una Volta In America, et ultime film du cinéaste, celui dont les 3h40 de projection ne sont nullement prétentieuses.
La seconde trilogie initiée par C'Era Una Volta Il West accorde une place plus importante à la musique classique, et en particulier orchestrale, sans abandonner pour autant le mélange détonnant de musique country-rock auquel se joignent des accents de musique contemporaine voire concrète.

Précisons d'emblée que ladite chronique s'appuie sur l'édition italienne 'augmentée' de RCA, parue en 1999 et intégrée à la collection 'Original Soundtrack' qui se spécialise dans les rééditions de B.O anciennes. Celle-ci contient effectivement 20 pistes contre 13 seulement dans les éditions antérieures, soit 7 titres inédits. Il n'existe cependant aucune plus-value qualitative entre l'oeuvre d'origine ('expurgée') et son équivalente 'intégrale' dans la mesure où cette expansion du score initial ne résulte pas d'une hypothétique vision plus en harmonie avec celle de son auteur, contrairement à ce qui se produit quelquefois au cinéma quand un réalisateur diffuse une version plus complète, donc plus proche, de sa vision de départ. Ennio MORRICONE ne doit d'ailleurs pas être l'instigateur de cette opération à mi-chemin d'une démarche commerciale et artistique.

Le titre éponyme par lequel s'ouvre l'album chroniqué en ces lignes figure pami les chefs-d'oeuvres du Maestro, composition au lyrisme bouleversant, qui magnifie la scène tragique de l'arrivée par le train de Jill dans la ferme de sa nouvelle belle famille qui vient d'être décimée par l'ignoble tueur à gage Frank qu'incarne Henry Fonda dans le plus grand contre-emploi de sa carrière. Ce thème a été composé pour l'unique personnage féminin du film, la douce et courageuse Jill, auquel Claudia Cardinale prête la mélancolie inoubliable de son regard.
Il s'agit peu ou prou d'une sorte de concerto pour voix mettant en valeur l'organe vocal frémissant de la soprano Edda Dell'ORSO dont le talent aussi irradiant que discret méritait bien une chronique de Forces Parallèles (Je vous renvoie à la chronique de Voice). Edda surpasse toutes ses consoeurs sur un point bien précis : sa technique vocale très sûre n'étouffe jamais la sensibilité de ses prestations, motif pour lequel Ennio MORRICONE lui a toujours conservé sa préférence. Après une introduction aux claviers particulièrement émouvante, la soprano élève sa voix très haut dans les cîmes d'un lyrisme aussi profond que mesuré. L'ampleur de la mélodie n'a alors d'égale que l'émotion qu'elle suscite d'emblée, apanage d'une inspiration atteinte par la grâce. Il n'est pas de terme plus juste pour décrire la beauté de ce thème intemporel. Comme à son habitude, le Maestro dissémine des variations de ce thème en en proposant des arrangements divers.

L'autre thème de la B.O concerne le personnage de Cheyenne qu'incarne Jason Robards, libéré de prison après y avoir purgé une peine, mais sur lequel une intrigue secondaire du film fait peser le poids d'une fausse accusation provoquée par Frank, le tueur sans scrupules, qui laisse croire que la bande de Cheyenne serait l'auteur du massacre de la famille McBain. MORRICONE, avec son flair habituel, choisit judicieusement le banjo comme 'voix' de ce personnage attachant qui vivra au final une rédemption magnifiée par sa mort sacrificielle.
Le thème de "Cheyenne" puise dans le son caractéristique du banjo tout son potentiel de sympathie, qui trahit l'empathie du compositeur pour le personnage, l'une des signatures essentielles du génie morriconien, le compositeur n'étouffant jamais le spectateur, l'artiste se laissant gagner par les émotions que véhicule chaque film auquel il collabore. Cela donne un titre agréable, sorte de ballade country discrètement émouvante, rendu attachant par chacune de ses occurrences ("Addio a Cheyenne", "Cheyenne").

L'autre pièce de choix, titre parmi les plus iconiques du compositeur romain, n'est autre que le fameux thème de celui connu sous le sobriquet de" L'homme à l'harmonica", personnage taciturne idéalement incarné par le non moins minéral Charles Bronson, justement remarqué dans le film par son attribut le plus banal, autant que son plus singulier, l'harmonica qu'il tient toujours à portée de main, prêt à en user au moment où s'installe une tension. Cet instrument des plus iconiques de la musique country, Ennio MORRICONE, à l'égal de Sergio Leone détournant le mythe américain du Western, le pervertit d'une façon tétanisante, en le dépouillant de ses oripeaux champêtres chers à la folk, jusqu'à le transformer en instrument annonciateur ni plus ni moins que de la mort, substitut original du vautour rodant dans le ciel de Monument Valley. Cette plainte glaçante et lancinante est magnifiquement servie par Franco De Gemini qui souffle dans ce morceau de métal incendiaire une sentence de mort apte à frigorifier la moindre dépouille pourrissant sous le soleil accablant de l'ouest américain. N'oublions pas également l'autre trait de génie de ce thème incroyable, la guitare de Bruno Battisti d'Amario, qu'il pousse à un degré de saturation inouï pour l'époque, jusqu'à en délivrer des fragrances métalliques qui expliquent pourquoi ce titre est souvent repris en concert par un groupe du calibre de METALLICA. La lourdeur qui s'en dégage annoncerait presque les prêtres du Doom Metal.

On ne saurait écouter ni évaluer une musique de film, même aussi iconique que celle-ci, comme on le fait d'ordinaire s'agissant d'un album pop-rock-folk-blues : quand j'écoute un album des BEATLES, je sais que ses dix ou douze pistes correspondent à dix ou douze chansons différentes. Ce n'est presque jamais le cas des B.O de films qui jouent sur l'occurrence de deux ou trois thèmes disséminés le long du métrage, les autres pistes n'offrant que des variations desdits thèmes principaux. Ennio MORRICONE était le maître de ces variations grâce à son génie des arrangements. C'est ainsi que le thème éponyme de Jill se voit décliné quatre fois ("Jill", "In Una Stanza Con Poca Luce", "L'America di Jill" et "Finale") où l'orchestre et la voix de soprano sont respectivement remplacés par un violon et par ce qui ressemble à un xylophone (à moins que ce ne soit un clavier).
Quant au thème de "L'Uomo dell'Armonica", il intervient évidemment à plusieurs reprises dans la B.O. ("Come Una Sentenza", "Armonica", "La Posada 2", "Frank", "L'Uomo", Epilogo", "L'ultimo Rantolo"), toujours dans une version minimaliste qui isole soit l'harmonica, soit la guitare, soit les cuivres.
Le thème de Cheyenne connaît deux variations, "Cheyenne" et "La Posada 1", qui jouent sur le rythme plus ou moins ralenti du banjo, parfois accompagné des sifflements d'Alessandro Alessandroni.
Un quatrième thème intervient, qui contraste avec l'ambiance dramatique et pesante du reste des pistes. Il s'agit de "L'Orchestraccia", une composition-pastiche des musiques de saloon telles qu'entendues dans bien des Westerns américains. Ennio MORRICONE ne dédaignait pas, quand on le lui demandait, de composer de la musique intra-diégétique, et souvent dans un registre peu habituel chez lui, alors qu'il était plus facile, et plus économique, pour un cinéaste, de recourir à une musique déjà existante. Cet exercice 'peu passionnant', le Maestro s'y livrait avec son exigence coutumière, mais pour le spectateur l'écoute de ces musiques dans le film ne saurait être liée à MORRICONE lui-même.

Pour bien comprendre la force de cette partition au sein de l'oeuvre de Sergio Leone, rappelons qu'Ennio MORRICONE n'aimait rien tant que composer en amont du tournage, sur la seule base du scénario, quand les mots écrits faisaient naître dans son imagination fertile et sensible les notes inoubliables dont son oeuvre regorge.
Stanley Kubrick, bluffé par la scène de l'arrivée de Jill dans la gare, avait contacté Sergio Leone pour lui demander comment il était possible que la musique colle aussi parfaitement au geste et au mouvement de caméra près. Le cinéaste italien lui avait alors rétorqué que la musique existait déjà lors du tournage et qu'il la diffusait pour que les acteurs et techniciens s'y mettent au diapason. Naturellement, Kubrick a sollicité Ennio MORRICONE pour la musique de Orange mécanique, mais Sergio Leone, considérant le compositeur comme sa propriété exclusive, lui avait fait croire que le Maestro était pris sur un autre de leurs projets communs. Kubrick, déçu et vexé, n'est plus jamais revenu vers lui, au grand dam du musicien lui-mêmequi, au cours de sa carrière à la longévité exceptionnelle, n'a pas dû accumuler beaucoup de regrets comme celui-ci.

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   AIGLE BLANC

 
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- Ennio Morricone (compositions, orchestrations)
- Franco De Gemini (harmonica)
- Bruno Battisti D'amario (guitare)
- Edda Dell'orso (soprano)
- Alessandro Alessandroni (siffleur, direction du choeur)
- I Cantori Di Alessandroni (choeur)


1. C'era Una Volta Il West
2. Come Una Sentenza
3. Cheyenne
4. L'attentato
5. Armonica
6. La Posada 1
7. La Posada 2
8. La Posada 3
9. Jill
10. L'uomo Dell'armonica
11. In Una Stanza Con Poca Luce
12. Frank
13. L'orchestraccio
14. Morton
15. L'america Di Jill
16. L'uomo
17. Epilogo
18. L'ultimo Rantolo
19. Addio A Cheyenne
20. Finale



             



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