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Ennio MORRICONE - I Malamondo (1964)
Par AIGLE BLANC le 13 Avril 2022          Consultée 1443 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Les premières musiques de films composées par Ennio MORRICONE, si elles ne figurent pas nécessairement parmi ses plus réussies ni ne sont davantage devenues des références de sa riche discographie, n'en constituent pas moins pour le fan une source de curiosités contenant souvent d'agréables surprises.
Leur réputation est telle que les B.O des premiers western spaghetti de Sergio LEONE, considérés aujourd'hui comme constituant une trilogie dénommée la 'trilogie du dollar', ont jeté dans l'ombre, par leur succès foudroyant, les précédents travaux pour le 7ème art de celui qui n'était pas encore le Maestro.
Pourtant, le compositeur est loin d'être un débutant au moment où la musique de Pour une Poignée de Dollars fracasse le box office tout en révolutionnant la B.O du Western. Diplomé remarqué de l'académie musicale de Rome, Ennio MORRICONE a eu le temps auparavant de prouver son génie en devenant l'arrangeur attitré de la filiale italienne de la maison de disques RCA.
Per un Pugno di Dollari (composée en 1964) est ainsi précédée d'au moins 6 ou 7 autres B.O au retentissement infiniment plus modeste, parmi lesquelles Il Federale (1971), une comédie de Luciano Salde avec Ugo Tognazzi et Stefania Sandrelli, occupe le poste inaugural de la première musique de film que MORRICONE ait jamais écrite.
Le score qui nous intéresse aujourd'hui accompagna le film I Malamondo de Paolo Cavara, sorti en 1964, qui fut précédé deux ans plus tôt de Mondo Cane, également coréalisé par Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi.

Pour bien comprendre I Malamondo, revenons à la source du 'Mondo', terme désignant un type de documentaire singulier, au concept initial que l'on doit aux cinéastes italiens Paolo Cavara et Gualtiero Jacopetti. Le 'Mondo' est au documentaire ce qu'est la 'nazisploitation' au film historique, c'est-à-dire une version abâtardie exclusivement conçue pour racoler le plus grand nombre de spectateurs dont il flatte les vils instincts en privilégiant les images choc et en misant sur la transgression des tabous (sexe et violence principalement), sans se départir néanmoins de la caution hypocrite de 'documentaire moraliste' dénonçant la barbarie humaine ou de 'documentaire ethnologique' rapportant les us et coutumes des peuplades sous-développées (l'Inde, l'Afrique). C'est ainsi que le 'Mondo' s'intéresse aux traditions inhumaines (excisions en Afrique, massacre des animaux, barbaries perpétrées par la guerre, morts par accident spectaculaires, notamment lors d'un safari où un touriste se fait dévorer par un fauve). Mais au lieu de dénoncer ces images captées en mode 'envoyé spécial', il se vautre dans leur contemplation condescendante.
Déjà perverti dès ses origines, le 'Mondo' a évolué au cours des deux décennies suivantes (70's et 80's) jusqu'à aboutir à sa forme la plus malsaine : le 'Snuff movie', terme désignant des films 'documentaires' obtenus par montage sélectif et/ou truqué d'images choc abordant par exemple les diverses mises à mort dans le monde (Face à la mort, 1978), que la caméra filme frontalement, le spectateur scotché à l'écran parce qu'il sait que ces mises à mort sont authentiques. La légende urbaine des 'Snuff movies' a ensuite été dénoncée, les mises à mort étant le plus souvent 'feintes', jouées par des acteurs.

Qu'Ennio MORRICONE ait accepté de composer une musique pour accompagner ce type de film n'est pas la moindre des surprises que nous réserve cette bande originale, le Maestro n'ayant par la suite presque plus oeuvré dans le domaine du documentaire, à la notable exception du très sophistiqué Veruschka (1971) chroniqué dans nos colonnes.
Précisons toutefois que si, à l'époque de sa sortie en salle, I Malamondo (1964) a pu provoquer quelque gêne auprès d'un certain public, les scènes 'transgressives' du film de Paolo Cavara paraîssent bien inoffensives au regard des critères de notre société actuelle. De plus, le 'Mondo' n'était pas encore, en tant que sous-genre du documentaire, tombé dans les bas-fonds de l'ignominie et pouvait alors être perçu comme aussi sérieux que les autres.
L'argument du film serait un instantané, une radiographie, des moeurs juvéniles, offrant une image soi-disant représentative des jeunesses européennes à l'ère du Boom économique et préparant la libération sexuelle de la fin des années 60.

Cette B.O, malgré sa précocité, révèle déjà une qualité spécifique de MORRICONE que les années postérieures n'ont eu de cesse de confirmer de la meilleure des façons : quel que soit le projet qu'un cinéaste lui propose, le compositeur s'investit corps et âme dans le travail qu'on lui commande, indépendamment de la notoriété du cinéaste en question et du classement du film, l'artiste ne faisant pas de différence entre films de série A, B ou Z. Il livre dans tous les cas un travail accompli, nourri de son amour du cinéma et de son besoin de s'exprimer par la musique. Il n'est pas rare que, dans sa discographie, se cachent de véritables perles musicales au sein d'un film de seconde ou de troisième zone.
C'est ce qui ressort à l'écoute de la bande sonore de I Malamondo, incontestablement l'une des plus variées et inspirées de sa carrière, télescopant divers genres musicaux comme la Samba, la Bossa Nova, le Jazz, la Pop, la musique contemporaine d'avant-garde. C'est un festival bigarré auquel nous sommes conviés, déployant une musique inventive, gorgée de verve, et qui réserve bien des surprises d'une piste à l'autre par ses changements brutaux de climats et d'humeur. Le compositeur semble si enthousiaste de pouvoir s'exprimer au sein d'un film qu'il plagie et détourne les styles avec une vigueur jamais prise en défaut. C'est aussi sa B.O la plus primesautière et, dans le même temps, toujours surprenante, iconoclaste quand elle retrouve l'esprit délirant des musiques accompagnant les Looney Tunes Buggs Bunny, Daffy Duck, Sylvestre ou Bip Bip & le Coyote.
Il semble paradoxal qu'un documentaire donne lieu à une musique si cinématographique du point de vue de la dramaturgie. MORRICONE déjà jongle en virtuose avec les arrangements, aidé en cela par les chorales d'Alessandro Alessandroni et de Nora Orlandi qui se prêtent à tous les délires de bouches pour générer des sons incongrus des plus percutants.

Malgré ses qualités évidentes, la musique d'I Malamondo est à réserver aux amateurs éclairés du Maestro qui y dénicheront des idées qu'il développera par la suite, apprécieront la verve juvénile d'un compositeur heureux de sculpter sa musique, véritable laboratoire vivant lui offrant le luxe d'expérimenter des idées en vue de ses travaux intimes, ceux qu'il classait parmi ceux de sa 'musique absolue'.
Même si elle est loin d'être sa plus célèbre, cette B.O ne constitue en aucun cas un MORRICONE mineur.

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   AIGLE BLANC

 
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- Ennio Morricone (compositions & orchestration)
- Nunzio Rotondo (trompette solo)
- Michele Lacarenza (trompette solo)
- 'i Cantori Moderni Di Alessandroni' (choeurs)
- '4 4 Di Nora Orlandi' (choeurs)


1. Le Facce
2. Penso A Te
3. L'ultima Volta
4. Questi Vent'anni Miei
5. La Prima Volta
6. I Malamondo (moderato Swing)
7. Stanchezza
8. Nulla Da Fare
9. Bianco E Nero
10. Musculo Di Velluto
11. Senza Freno
12. Party Proibito
13. Walzer Bossa Nova
14. Dachau
15. S.o.s
16. Twist Delle Zitelle
17. Dispari
18. La City
19. Matricole
20. Sospesi Nel Cielo



             



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