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Ennio MORRICONE - La Citta Violenta (1970)
Par AIGLE BLANC le 14 Mars 2017          Consultée 1852 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Les acteurs américains ont souvent tourné en Italie dans des coproductions la plupart du temps italo-françaises (ou vice versa). Pour les producteurs italiens, cela assurait aux films concernés l'ouverture au marché international. C'est ainsi, durant les années 60-70, et jusqu'aux années 80, qu'Henry Fonda, Clint Eastwood, James Coburn, Ellie Wallach, Robert de Niro, James Wood ont prêté leur visage iconique aux westerns spaghetti de Sergio Leone ou de l'un de ses épigones dans Pour Quelques Poignées de Dollars, Pour Quelques Dollars de Plus, Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l'Ouest, Il était une fois la Révolution, Mon Nom est Personne, Il était une fois en Amérique.
Charles Bronson lui-même est devenu en l'espace d'un rôle une icône sous la caméra de Sergio Leone pour qui il a prêté ses traits émaciés et endossé les silences lourds de mystère de l'inoubliable 'Homme à l'harmonica'. Aux USA, c'est Un Justicier dans la Ville (1974) qui en fait une star du film d'action. Mais c'est l'Italie, 4 ans plus tôt, qui lui offre son premier rôle de justicier musclé en incarnant le tueur professionnel Jeff Heston dans La Città Violenta (La Cité de la Violence) de Sergio Sollima, dont est extraite la B.O chroniquée dans ces colonnes.

Ce score trouve sa place exactement à l'épicentre d'une décennie qui s'étale de 1965 à 1975 et que l'on peut sans peine considérer comme l'âge d'or d'Ennio MORRICONE. A côté des westerns et des gialli, le maestro a beaucoup oeuvré aussi pour des films de gangsters : Le Clan des Siciliens, Le Casse, Peur sur la Ville, Sans Mobile Apparent, Le Carnaval des Truands, Les Intouchables, Seule Contre la Mafia, Sacco & Vanzetti, L'Attentat, Enquête Sur un Citoyen Au-Dessus de Tout Soupçon. C'est d'ailleurs une veine qu'il honorera tout au long de sa carrière avec les réussites que sont par exemple Les Incorruptibles (1988) ou Les Anges de la Nuit (1990).
Città Violenta déploie tellement de traits caractéristiques de la manière d'Ennio MORRICONE que cette B.O peut très bien être celle que je conseillerais à un néophyte désirant pénétrer les arcanes les plus canoniques du maestro. C'est bien simple : tout ici condense le génie du compositeur italien.
Si l'aspect expérimental brut vous rebute, ici vous trouverez un équilibre parfait entre l'avant-garde, le rock et le easy Listening*. Du point de vue instrumental, La Città Violenta réunit un orchestre de cordes, un clavecin et un piano, une guitare électrique, un orgue Hammond, une batterie. Il ne manque plus à cette panoplie morriconienne que la voix d'Edda dell'Orso et les sifflements d'Alessandro Alessandroni qui, malheureusement, en sont absents.
Il est des scores qui se contentent d'accompagner les images et de souligner les émotions d'une scène à l'autre. Le risque étant que la musique se trouve désincarnée dès lors qu'elle n'a plus le soutien des images. En revanche, il est d'autres scores qui transcendent les images et qui constituent un film à eux seuls. C'est dans cette seconde catégorie que se range La Città Violenta, aux côté des scores iconiques que sont La Panthère Rose ou l'un des premiers films de la série James Bond avec Sean Connery.
D'ailleurs, reconnaissons que La Città Violenta, par son appartenance au genre du Thriller/Espionnage, entretient des affinités avec James Bond dont elle s'inspire du score légendaire de John BARRY. On y retrouve la même élégance du style et la suprématie d'une guitare électrique iconique. Il s'agit peut-être d'un hommage au génie de J. BARRY mais nullement d'un plagia. MORRICONE ne copie pas le thème de James Bond, il en retrouve seulement la scansion dramatique. Le maestro a assez de ressources pour écrire une musique à la personnalité affirmée et non un ersatz.

Composée de 14 pistes, cette B.O contient suffisamment de moments forts et percutants pour satisfaire l'auditeur le plus blasé.
Le thème principal éponyme en constitue bien évidemment l'épine dorsale comme c'est le cas dans la plupart des B.O. Et quelle claque, croyez-moi! A coups de cordes pulsées, d'accords percutants au piano, de riffs de guitare en dérapages contrôlés auxquels s'adjoignent des arpèges métalliques de guitare, MORRICONE délivre un titre absolument somptueux, à la fois hyper expressionniste et d'une élégance folle, le genre qui vous rentre dans le crâne pour ne plus vous lâcher, titre tellement puissant qu'il vampirise tout le score. L'excellent "Norme Con Ironie" reprend en partie ce thème mais sur un rythme plus lent, avec un beat plus lourd encore et des cordes plus incisives. Sa dimension dramatique s'en trouve exacerbée.
Autre piste percutante, "Svolta Definitiva", avec sa guitare basse surpuissante, son orgue Hammond survolté et ses larsens de guitare électrique, est un rock aux très forts accents funky. Et si vous pensiez reprendre votre souffle, voici que déboule une véritable tuerie : "Disperatamente", avec ses larsens guitaristiques abrasifs, ses toms endiablés, ses accords hypertendus au piano et ses choeurs haletants, parvient à surpasser la piste précédente. De quoi vous achever !

Dans tout film d'action qui se respecte, la violence a besoin d'être magnifiée par des moments plus calmes qui laissent monter la pression. A ce jeu-là, MORRICONE se montre à son meilleur. "Rito Finale" diffuse des larsens sournois et impose à la guitare une séquence qui s'implante immédiatement dans le cortex cérébral. Les cordes, pour parachever le tout, lancent des accords pulsés qui sont la marque de fabrique la plus célèbre du maestro. "Momento Estremo" reprend le thème de "Rito Estremo" en l'accélérant de manière cardiaque.
"Riflessione" flirte davantage avec l'ambient en jouant sur des arpèges de guitare délivrés avec parcimonie et suremplifiés par un écho. "A Caissa" traverse les mêmes climats faits de tension et d'inquiétude.

La Città Violenta s'impose donc comme l'une des plus grandes réussites d'Ennio MORRICONE. Un modèle de B.O inventive, obsédante, qui engendre sa propre mythologie, même sans l'apport des images.

*Easy listening : Ce terme caractérise une musique facile d'accès et agréable à l'écoute tout en étant élégante et évoluant dans une atmosphère cosy.

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   AIGLE BLANC

 
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- Ennio Morricone (compositions, orchestrations)
- Bruno Nicolai (direction orchestrale)
- Instrumentistes (non crédités)


1. La Citta Violenta
2. Rito Finale
3. Mille Volte Un Grido
4. Momento Estremo
5. Con Estrema Dolcezza
6. Svolta Definitiva
7. Norme Con Ironie
8. Riflessione
9. Disperatamente
10. Rito Finale
11. Dolcemente Acre
12. Sospensione Sovrapposta
13. A Caissa
14. Riassunto



             



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