À bien y regarder, il n'existe pas de live de YES vraiment génial et jouissif. Alors que le groupe de Chris Squire a presque toujours su proposer une musique forte et intéressante à quelques accidents près (Tales from Topographic Oceans, les Keys to Ascension), ses comptes-rendus de tournée n'ont pas été exactement brillants. Tout au plus pouvons-nous citer Yesshows (1980), sympathique live sorti pour faire oublier le sous-estimé Drama (enfin, c'est une hypothèse probable). Le souci tient plutôt de la production (Union Live) que des compositions (9012Live). Bref, les live chez YES , faut faire gaffe.

Mais il existe pourtant des live qui valent vraiment le coup et sont réellement réussis. On peut citer bien évidemment Symphonic Live, paru en DVD en 2002 et en CD en 2009. Une sortie en plusieurs supports différée, tout comme Songs From Tsongas. À l'origine, il s'agit d'un DVD retranscrivant un concert bien particulier. En effet, YES a donné un concert en 2004 dans le cadre de la célébration de ses 35 ans (en fait il avait alors 36 mais passons). On y retrouvait le line-up classique, avec Steve Howe et Rick Wakeman accompagnant le noyau dur Anderson/Squire/White, jouer non pas aux iles Tsongas, mais dans une salle du Massachusetts du même nom, dans le cadre d'une tournée quelque peu nostalgique. Le DVD fut bien vendu et apprécié, et presque une décennie plus tard, le voilà réédité dans ce format, ainsi qu'en Blu-Ray, et aussi en CD – et un super-coffret réunissant tout cela à la fois, pour les plus riches. Bonne décision donc, surtout qu'il sort juste après le dernier et pitoyable album Heaven & Earth.

Songs from Tsongas est un live intéressant par bien des aspects. En premier lieu, il s'agit d'un triple live, rien que ça. On pourra donc dire qu'on en a pour son argent, rien qu'avec ça. Le deuxième point, et le plus intéressant de loin, c'est sa tracklist. Outre les grands classiques comme "Roundabout" et "Starship Trooper" (mais où est "Siberian Khatru" ?), c'est un véritable florilège qui se déploie, avec des morceaux récents (logique), mais aussi d'autres auxquels on ne s'attendait pas. Qui pensait donc trouver par exemple "Every Little Thing", extrait du premier album de 1969, ou mieux, "Rhythm of Love", tout droit venu de Big Generator (1987). Un bel effort donc, même si l'on regrette l'absence d'un extrait de Relayer ou de Drama, comme toujours.

Du côté de l'interprétation, Songs From Tsongas est également un bel exemple du talent de YES. On y retrouve tout ce qui fait la force du groupe : la basse de Squire bien entendu, ainsi que les claviers finement joués, la guitare fabuleuse de Howe et la voix unique de Jon Anderson. Le tout mis ensemble donne un résultat des plus recommandables, surtout avec une production aux petits oignons.

Sur le premier et le troisième CD, on ne peut pas à proprement parler de ratés. Oh, il y a bien les différentes parties de "Mind Drive", mais il s'agit plus d'un souci de composition qu'autre chose – et passons sur "Ritual". "Turn of the Century" est pour sa part trop larmoyant, et "My Eyes" est un interlude franchement inutile. Pour le reste, que du tout bon, il est possible d'y aller sans aucune crainte. En particulier, "Yours is No Disgrace" se trouve joué de manière impériale, avec des passages instrumentaux relevés par des soli de guitare remarquables. Et que dire aussi de "Starship Trooper", porté à presque un quart-d'heure et qui représente vraiment un morceau épique ? Le plaisir est d'autant plus décuplé quand on repense au YES actuel – ce qui est triste à dire.

Quid du deuxième CD, pendant ce temps ? Il est bien particulier, dans le sens où en dehors de "Rhythm of Love", il compile des morceaux joués de manière acoustique, sans aucun clavier ni saturation de guitare. L'exercice est intéressant en soi, mais bien des morceaux ne sont pas tellement sublimés par ce YES 'unplugged'. En particulier, "Roundabout", joué de manière plus bluesy, est clairement un gros point noir, tandis que "Time is Time" est désespérant de niaiserie. À l'inverse, il est intéressant de voir comme Howe et Wakeman s'approprient "Owner of a Lonely Heart", qu'ils n'ont ni composé ni joué à l'origine, et contribuent à une jolie réussite. L'inédit "Show Me" est pour sa part bien naïf, mais possède un refrain assez charmant et positif qui fait plaisir à entendre. Par contre, quand YES rebranche l'électricité pour jouer "Rhythm of Love", c'est une belle chose de rappeler l'existence de Big Generator, c'en est une autre de bien le faire.

Songs From Tsongas reste dans l'ensemble un solide live de YES. Ce serait peut-être exagéré d'en parler comme du meilleur live du groupe, mais d'un autre côté, ce n'est pas totalement le cas. Il rappelle à quel point YES était efficace quand il le voulait, sans sombrer dans l'excès de mièvrerie ou la pyrotechnique facile. Et ne jouait pas la carte de la facilité en se contentant de rejouer en entier ses classiques de manière poussive.

Note réelle : 3,5/5