Bête noire dans la discographie de YES, le seul album sans Jon Anderson et le refus de ce dernier à interpréter des titres de cette époque ont vite conduit Drama aux oubliettes. L'absence de Jon Anderson et de Rick Wakeman avaient de quoi dérouter, et pourtant Drama se présente comme un véritable album de YES. L'arrivée de Trevor Horn et de Geoff 'Mr Asia' Downes, tous deux issus des BUGGLES, modernise considérablement le son de YES qui en avait bien besoin.

Les claviers de Geoff Downes permettent d'alléger le style de YES, avec des interventions simples, pertinentes et plus techniques quand il faut. Rick Wakeman a contribué aux grands classiques de YES, Fragile et Close to the Edge. Mais la grandiloquence de leurs claviers les rendait un peu lourds à digérer. Comme par hasard, les albums sans Rick, que ce soit The Yes Album ou Relayer, n'ont pas cet aspect pompeux. L'absence de Jon Anderson passe relativement inaperçue car son remplaçant, Trevor Horn, chante avec le même timbre que lui. La ressemblance est frappante ! Et les choeurs, régulièrement assurés par Chris Squire et Steve Howe, ne font que renforcer cette impression d'être en terrain connu.

Démarrer avec "Machine Messiah", 10 minutes au compteur, est peut-être un autre moyen pour eux de rappeler qu'ils font toujours du progressif. L'intro, pesante et plus heavy que d'habitude, est suivie de choeurs fabuleux : pas de doute, c'est un des plus grands morceaux de YES, faisant oublier à lui seul la triste période de Tormato. La suite le confirme, avec le mélange pop et prog optimal, la synthèse parfaite entre les années passées et l'avenir, sans tomber dans les travers des deux périodes (grandiloquente pour l'une, commerciale pour l'autre).

"White Car" sert d'intermède et, d'emblée, le son des claviers impressionne, moderne, annonçant de quoi seront faites les années 80. "Does It Really Happen ?" inaugure une série de titres dansants chez YES, principe qu'on retrouvera sur 90125 et le célèbre "Owner of a Lonely Heart". "Into the Lens" illustre bien le mélange pop/prog. Le morceau laisse place à de longs développements, parfois aériens, sans pour autant contenir des passages instrumentaux hyper techniques. L'émotion reste l'élément principal, ce qui n'est pas toujours évident chez YES, plutôt réputé pour placer sa technicité en avant.

Tout l'album est de très haut niveau, "Tempus Fugit" avait même le potentiel pour figurer en bonne place parmi les classiques tant ses harmonies vocales sonnent "YES", sans oublier les magnifiques lignes de basse de Chris Squire, très à l'aise pour jouer du rock. Le seul faux pas se trouve sur "Run Through the Light", un peu trop influencé par POLICE sur ses morceaux avant-gardistes (rien à voir avec leur reggae-rock). Trevor Horn imite (mal) STING, à oublier. Même si Drama reste le dernier grand album de YES, bien meilleur que tout ce qui suivra, il est évident que ce line-up ne pouvait pas durer, surtout à cause des concerts et des difficultés pour Trevor Horn de faire oublier Jon Anderson sur les classiques de YES.