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Wolfgang Amadeus MOZART - Requiem (bernstein) (1791)
Par CHIPSTOUILLE le 22 Avril 2006          Consultée 13814 fois

LA CHRONIQUE



La musique aura peut-être été l'une des plus belles façons d'exprimer ce désarroi que l'on peut ressentir lors de la perte d'un proche. MOZART, plus que quiconque, aura su exprimer les mots justes, et au-delà de toute limite, éclatera à la face du monde grâce à sa dernière oeuvre, comme sans doute le plus grand génie musical que la terre ait porté. Sans doute y a-t-il eu quelque volonté facétieuse de la part de l'hypothétique au-delà: la plus belle oeuvre parlant de mort connue une fin aussi tragique que ce qu'elle était censée exprimer: MOZART n'achèvera jamais son requiem.

Car la dernière note que le compositeur écrira de son vivant se trouve à la huitième mesure de son "Lacrimosa", le reste n'ayant été que discussions ou notes manuscrites diverses. Ses élèves, Joseph EYBLERS, puis Franz-Xavier SUSSMAYER entre autres (à la demande de Constanze MOZART, sa veuve) tenteront tant bien que mal de reprendre l'écriture après la mort de leur professeur (le mystère est entier sur ce que MOZART aura précisément légué). C'est ainsi que l'"Introitus", le "Kyrie", le "Dies Irae", le "Tuba Mirum", le "Rex Tremendae", le "Recordare", le "Confutatis", le "Lacrimosa" et apparemment le "Domine Jesu" et l'"Hostias" resteront à jamais dix parties géniales dont la suite restera enfouie dans l'esprit d'un génie mort bien trop tôt.

Cette messe des morts ne fait pourtant que reprendre là où MOZART s'était déjà délivré à de somptueuses parties vocales sur la Messe du couronnement, mais jamais son oeuvre ne se sera révélée aussi exempte de reproches, aussi subtile, aussi grandiose, aussi émouvante. Il est un mot que je me refuse à utiliser ici, "perfection". Non, le requiem de MOZART n'est pas parfait, il est plus que ça, chaque seconde, chaque note, chaque intervention vous propulse toujours plus loin vers des sommets qu'aucune autre oeuvre ne vous aura jamais fait atteindre.

Je pourrais vous parler d'influences, comme ce fameux PERGOLESI que l'on reconnaîtra sans doute dans un "Introitus" tout en légèreté (au moins dans sa première partie). On reconnaîtra encore les facéties vocales des chœurs de BACH dans le "Kyrie" (comme par exemple sur son Magnificat ou sa passion selon St Matthieu) quoique le thème semble avoir été emprunté au Messie d'HAENDEL. Enfin, bien sûr, on pourra reconnaître quelques contrepoints ou techniques vocales empruntées ci ou là (HAENDEL et BACH, toujours), mais ce serait s'enchaîner au sol et refuser d'admettre que MOZART est le premier dépositaire de sa musique et qu'il sait vous déraciner de votre enveloppe charnelle comme jamais un compositeur n'a su le faire.

Je tiens notamment, outre les "Introitus", "Kyrie", "Dies Irae", "Lacrimosa" et "Confusatis" dont la maestria n'est plus à démontrer qui sont régulièrement repris de façon pas toujours élégante dans un panel de supports plus ou moins artistiques, rendre hommage au trop méconnu "Tuba Mirum". Le novice que je fus accrochera très certainement plus facilement aux parties précitées, et on ne lui en tiendra pas rigueur. Là où ce Requiem s'impose comme une oeuvre de grand génie, c'est qu'outre le fait qu'il ne lasse pour ainsi dire jamais - et je pèse mes mots - il contient quelques perles qui se savourent sur la longueur. Ainsi ce "Tuba Mirum" est la partie qui s'offrira à vous le plus tardivement, au centre de ces batailles de chœurs tragiques et grandioses (qu'il est difficile de succéder au tonitruant "Dies Irae"!).
Cette partie s'ouvre sur un tuba seul, lequel est rejoint par une voix de basse qui disparaît pour laisser place à un ténor puis tour à tour à 2 sopranos, chacun avec des ambitus (des intervalles de notes accessibles) différents, allant du plus grave au plus aigu. La pièce se termine sur un chœur léger formé par les quatre solistes. L'absence de thème repris laisse donc cette partie en accessibilité restreinte aux plus téméraires, mais cet enchevêtrement de chants solos allant de plus en plus fort dans l'émotion, on savoure d'autant plus une fois que l'on a apprivoisé l'ensemble.

Je pensais dans une version initiale de cette chronique, rendre hommage au travail de SUSSMAYER au niveau de la finition de ce requiem, bien qu'en effet la fin de celui-ci soit d'un niveau inférieur. Pourtant, il semblerait que les historiens ne soient pas tous du même avis quant à la réelle part de MOZART dans la composition de l’œuvre. Le manuscrit originel ayant lui-même été modifié et SUSSMAYER ayant été entre autres choisi pour sa capacité à imiter l'écriture de son professeur, il est semble-t-il difficile d'avoir un avis tranché.
Les seuls réels points communs d'un avis à l'autre, sont que l'"Introitus" et le "Kyrie" furent terminés par MOZART, qu'il écrivit tout ou partie du "Dies Irae" au "Confutatis" et que le "Lacrimosa" fut stoppé dans sa forme première (la "particella", partition sans précisions sur le choix des instruments) à la huitième mesure. Certains pensent que l'intervention du génie porte sur tout le Requiem, SUSSMAYER ayant alors été trop jeune pour atteindre un tel niveau, alors que pour d'autres, les erreurs de débutants, témoins de l'intervention de SUSSMAYER sur une grande partie de l’œuvre, semblent être régulières. MOZART lui-même ne parlait pas de son élève en des termes très élogieux. Reste que l'"Agnus Dei" semblerait bien être de la main de l'élève et qu'il est magnifique. Si l'affaire vous intéresse, le livret de la version de BERNSTEIN expose longuement les faits et les suspicions sur cette affaire. Pour ma part, je suis dans le flou.

Pour le contexte historique, sachez tout de même que la légende relatée dans le film "Amadeus" de Milos Forman n'est que pure divagation (ce qui n'enlève rien à la très grande qualité du film): SALIERI n'aura pas été mêlé de si près à l'écriture du Requiem (il aura juste appuyé le choix de SUSSMAYER pour le terminer). Pas plus que sa commande, puisque le fameux "homme en gris" anonyme était en fait le comte Walsegg, lequel aimait soit reprendre à son nom les oeuvres musicales d'autres compositeurs, soit en faire deviner les auteurs à ses amis. Je ne reviendrai pas sur l'absence d'élèves, le mystère autour de l'achèvement du Requiem est là pour témoigner du contraire. Enfin, MOZART a bien été enterré dans une fosse commune, non pas faute de moyens financiers, mais par décret de l'Empereur pour éviter la propagation des maladies, l'intégralité de la dette de MOZART aura d'ailleurs été remboursée suite à la vente du requiem par sa propre épouse, une fois celui-ci achevé.

Vous m'excuserez donc d'avoir peut-être enfoncé quelques portes ouvertes pour certains d'entre vous, mais il semble que la "légende romantique" ait encore la dent dure. Mais l'essentiel est bien l’œuvre qui se suffit à elle-même, sans contexte historique particulier. L'un dans l'autre, le début plus que parfait s'équilibre en terme de qualité avec une fin que l'on pourra estimer inégale. Malgré ses quelques défauts réellement mineurs, le requiem de MOZART demeure une oeuvre incontournable, et rares sont celles à pouvoir lui contester son statut. D'ailleurs, pour ma part, il reste à ce jour le sommet encore inébranlable de toute ma culture musicale.

LES INTERPRETATIONS



Exceptionnellement donc, je vais pouvoir me livrer au petit jeu des comparaisons en ce qui concerne les interprétations d'une même oeuvre classique, puisque je possède trois versions de ce Requiem. Je tâcherai de mettre à jour cette partie si d'autres versions de l’œuvre venaient s'immiscer chez moi.

La première est une version un peu "au rabais", puisqu'il s'agit du premier disque qui avait figuré dans la parution de la collection "Eblouissante musique sacrée" des éditions Atlas, sortie en 1995. L’œuvre fut enregistrée en 1990 sous la direction de Laurent PETITGIRARD et on peut dire qu'elle "suit la partition". Il s'agit sans doute du meilleur rapport qualité-prix que je connaisse, puisque le disque m'a coûté la bagatelle de 5 FF (moins d'un euro), soit rien ou presque. Si la qualité sonore est de tenue très correcte (quelques bruits d'instruments qui se cognent peuvent être entendre ça et là), on pourra peut-être lui reprocher un certain manque d'audace, notamment au cœur d'un "Dies Irae" bien timoré (même chose pour le "Confutatis"), et un vibrato un peu trop forcé sur le "Tuba Mirum". Cela étant, vous n'avez pas à rougir si vous possédez cette version, l'"Introitus" ou le "Lacrimosa" s'en sortent admirablement, et cette interprétation est loin d'être mauvaise en soi.

La seconde que je possède est celle du fameux Neville MARRINER, en double CD chez Decca, qui figure avec la messe du couronnement et d'autres oeuvres de musique sacrée du compositeur. Pensant acquérir la version que l'on peut entendre dans le film Amadeus (c'est bien lui qui la dirige) je m'attendais à une version dans le ton de la précédente, mais corrigeant les défauts précités (notamment le manque de verve dans les passages forts). En fait, cet enregistrement qui date de 1977 n'est pas le même. MARRINER s'écarte ici un peu plus du format classique et déshabille le requiem de ces bois et cordes pour mettre en valeur des percussions et cuivres pétaradants (ceux dont l'écriture serait semble-t-il attribuée à SUSSMAYER?). Les tempos (tempi, au choix) sont globalement plus lents mais les chœurs sont de loin les plus beaux que j'ai pu entendre (la qualité du son force le respect). Les cuivres ici mis en valeur laissent entrevoir des coupures que l'on ne soupçonne pas sur des interprétations plus classiques, et le "Rex tremendae" en sort plus que jamais grandi.

Enfin, la dernière, celle que j'ai donc prise en référence pour cette chronique, l'interprétation du compositeur Leonard BERNSTEIN (cf. chronique du concerto pour violon de BEETHOVEN par Hilary HAHN où figure également sa sonate pour violon). Celle-ci date de 1989 et fut exécutée après la mort de l'épouse de l'interprète. BERNSTEIN magnifie ici le chef d’œuvre. Dès l' "Introitus", on sent que tout ne sera plus comme avant, le basson porté en avant vous tire les larmes des yeux, l'émotion est ici le maître mot. Plus loin sévissent des chœurs grandioses, qui écrasent littéralement l’œuvre sous des murs de lamentation de part et d'autre d'une nef aux cordes fragilisées. On ne manquera pas de préciser qu'à l'émotivité se conjugue donc une force virulente inégalée dans les pièces grandioses telles que le "Dies Irae", le "Kyrie", le "Confutatis" ou bien encore le "Domine Jesu" où les tempi sont globalement plus rapides qu'à l'accoutumée (et j'aime ça). On notera également un orgue sorti de nulle part qui intervient judicieusement à quelques reprises (tout comme chez MARRINER). Enfin, il semblerait qu'il s'agisse de la version "nettoyée" par Franz BEYER, partisan du tout-MOZART concernant l'écriture de l’œuvre, laquelle version redonne en effet un bon coup de fouet à l'ensemble. BERNSTEIN ici se confie à ses auditeurs, et nous transperce de son chagrin via cette interprétation sans coup férir, de loin celle que je vous conseille si vous deviez n'en choisir qu'une.

Je clôturerai cette partie en précisant qu'une version de Karl BOHM (plus lente) et une autre de Bruno WEIL sont également régulièrement citées en référence, que Nikolaus HARNONCOURT s'en est visiblement plus que correctement sorti sur ses deux interprétations, que MARRINER a fait plus classique pour le fameux film mais que celle-ci est indéniablement irréprochable. Enfin, KARAJAN est visiblement marqué d'une croix rouge en ce qui concerne ce requiem, tout le monde s'accorde visiblement à dire que sa version est à éviter. N'oublions pas qu'il existe également ce fameux "Libera me" ajouté en queue de cortège écrit par NEUKOMM (compositeur romantique) qui vient tout juste d'être retrouvé. Je n'ai pas eu l'occasion de l'écouter mais il semblerait qu'il s'agisse plus d'un coup médiatique que d'un réel plus à ce Requiem qui se conclue déjà très bien de par cette reprise des deux premiers mouvements.

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- i. Introitus
1. Requiem
2. Ii. Kyrie
- iii. Sequenz
3. Dies Irae
4. Tuba Mirum
5. Rex Tremendae
6. Recordare
7. Confutatis
8. Lacrimosa
- iv. Offertorium
9. Domine Jesu
10. Hostias
11. V. Sanctus
12. Vi. Benedictus
13. Vii. Agnus Dei
- viii. Communio
14. Lux Aeterna



             



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