Il fallait bien que ça arrive un jour. 5 bons albums à la suite, en 5 ans, voilà qui s'appelle forcer sa chance. Il est donc logique qu'à un moment, notre Claude Moine national sorte un album moyen. Ca tombera sur C'est Bien Fait, album qui, pour anecdote, est le seul de toute sa période 74/87 que je n'aie jamais croisé en vinyl. Pourtant, sur le papier, ça devrait coller étant donné qu'on retrouve toujours les mêmes personnes, à peu près dans les mêmes conditions. Mais la vie est ainsi faite, et ce disque est voué à ne pas rester dans les annales.

Il dispose pourtant de deux singles taillés pour les radios, avec une rythmique très solide (les guitares se font d'ailleurs un chouïa plus hard, est-ce inconscient ?). Mais si le "Café Noir", reprise maligne (et largement supérieure à l'originale), fait encore de nos jours les délices des radios "certifiées vieux con" (dont je fais partie, c'est évident), l'efficace mais un petit peu lourde "L'Important" est tombée dans l'oubli général. Il ne s'agit pourtant pas de la plus mauvaise chanson, car ce qui choque dans cet album, c'est la présence en seconde et troisième position des plus mauvais titres d'Eddy depuis un sacré paquet de temps. Elles jettent un sacré voile noir sur d'autres pistes convenables et qui, sans être inoubliables, se laissent écouter : "Chaque Fois" hymne à l'amour des trua... des garagistes, "Petite Annonce" rigolote avec un joli festival de trilles guitaristiques, "C'est Bien Fait" plein de fiel - et comportant encore une fois une phrase malheureuse qui n'est pas du très grand Claude Moine.

Oh, certes, on trouve aussi du simplement bon, d'un niveau autrement plus élevé que du Eddy... De Pretto (NDLR : Mais quel sens du suspens insoutenable, on dirait du Evelyne Dhéliat). "Goodbye Gene Vincent" possède une véritable nostalgie et une force certaine, un titre à l'identité assise et qui a pour particularité une intro qu'on dirait tout droit sortie du premier album d'IQ ! Le dernier titre, D.I.V.O.R.C.E., est une bonne fin d'album et une chanson évidemment importante personnellement pour Eddy, mais curieusement, c'est peut-être la chanson la plus optimiste de l'album : il semble accepter le destin et repartir sur de nouvelles bases plutôt que de porter ces sept lettres comme un marquage au fer rouge dans son dos. Même la face B d'époque, "Ne Changeons Rien", est un petit rock rempli de riffs excitants, et d'une excellente basse... disco. Tiens donc. Si même tes musiciens pactisent avec l'ennemi, alors mais où va-t-on ma bonne dame ?

Pourtant, ces bons titres plus le "gros" single n'arriveront pas à faire de C'est Bien Fait un album pour lequel on peut s'enthousiasmer plus que de raison. Il souffre du syndrome de l'album de plus. Il est temps pour Eddy et Jean Fernandez de changer un peu de cap, de se remettre en question. Mais sans perdre la magie qui par moments s'empare du studio. A l'aube de la décennie généralement la plus honnie, celle des années 80, une petite métamorphose se prépare.