Derrière cette pochette à la genèse un peu floue, se trouve l'un des YES les plus mal-aimés. Un coup d'oeil à l'année de parution donne un indice solide : on est en 1978, soit l'annus horribilis, celle où le rock progressif est mort, et donc la musique (*rire sous cape*). Un fait, ou plutôt une opinion franchement exagérée, même si le genre n'a pas donné le meilleur de lui-même cette année-là.

Dans le cas de Tormato, qui voit YES garder le même line-up que Going for the One (une première depuis 1972), il faut admettre que le passage à la pop – car c'est bien de cela qu'il s'agit ici – ne lui a pas fait beaucoup de bien. Enfin, pop... si l'on arrête un moment d'exagérer, alors on constate avec lucidité que les claviers pompeux de Wakeman et la guitare virtuose de Howe sont toujours dans le coup, notamment sur des morceaux finalement bien prog comme "Arriving UFO", sans compter le festival Chris Squire sur le final "On the Silent Wings of Freedom".

Bien jouer et s'épancher ne suffit cependant pas à faire de la bonne musique. Et au jeu de la transition prog → pop, YES a du mal. D'un côté, il y a "Don't Kill the Whale", certes idéologiquement pertinent, mais aux arrangements kitschouille qui le rendent difficilement crédible. La doublette "Future Times/Rejoice" est pour sa part entrainante, mais montre un YES perdant un peu la main en ce qui concerne les débuts d'albums réussis. "Release, Release" est autrement plus réussi, et même si on ne le retient pas aussi facilement que bien des morceaux précédents, il n'en reste pas moins plaisant. "Onward" est une belle ballade, gâchée seulement, une fois n'est pas coutume, par le chant d'Anderson, un peu en retrait et pas assez expressif.

Si Tormato n'est pas un album à écouter en priorité ni à retenir, c'est lui faire un mauvais procès que de le snober. Pour un album de rock progressif de 1978, il faut avouer qu'on a entendu bien pire, et de plus, il montre que YES, au fond, n'a jamais perdu de liens avec la pop. À écouter donc, mais après les classiques.