Il n’y a plus de réel challenge pour Barbra STREISAND à l’orée de son troisième opus. Des cohortes de fans sont déjà là dans le monde entier à pousser derrière leur idole américaine. L’exceptionnelle capacité de la new yorkaise à proposer des interprétations originales et toujours phénoménales des classiques du Great American Songbook est la clé de ce succès. Bien sûr, on a déjà assisté à une légère mise au pas lors du deuxième album, légèrement moins brillant que le premier pour l’occasion. Tout le challenge est de rester originale ou de rentrer dans le rang. La voix, elle, ne souffre aucune critique, quoi qu’il en soit. La partie est donc gagnée avant même l’analyse, personne ne doute de sa voix. Nous sommes à peine un an après ses débuts discographiques.

"My Melancholy Blues" est sans doute le titre à retenir de cette livraison, celui où Barbra se livre le plus, sortant de ses tripes une performance totalement inégalable. Sans doute la meilleure version existante de ce titre. Les interprétations de classiques fusent de toutes parts, autant de superbes réalisations auxquelles la critique ne peut rester insensible. J’en veux pour preuve la rendition de "As Time Goes By" découvert en 1942 dans la B.O de Casablanca, d’une sensibilité rare. Le supra-standard "It Has To Be You" se trouve bien ici, confronté à la douceur de la voix de Miss STREISAND. Il manque probablement un peu de la candeur et de la juvénilité dont elle savait faire preuve dans son premier opus, mais il n’en demeure pas moins qu’il est bien difficile de critiquer sa performance. A mon goût, signalons la version de Ray CHARLES enregistrée 4 ans plus tôt, mais celle-ci s’impose facilement devant ses précédentes.

On reconnaît les notes du "Prelude et fugue en re majeur" de BACH sur "Just In Time", la même que reprendra notre MAURANE quelques décennies plus tard en France. Le résultat est superbe de réalisme. Barbra module tout au long de "Taking A Chance On Love", combien d’artistes seraient capables d’une pareille capacité à produire la quasi perfection ? Elle retrouve ici les accents si originaux de son premier opus. L’étonnante composition qu’est "Draw Me A Circle" trouve en Barb la parfaite interprète. Ce thème baroque qui eût convenu à merveille à un film comme Rebecca ou Les Contrebandiers de Moonfleet se suffit à lui-même et passe remarquablement sur le microsillon.

Il y en a parmi vous qui n’ont jamais vu Show Boat ? Filez vite admirer Ava Gardner dans ce chef-d’oeuvre, les gars, et arrêtez-vous deux minutes sur "Make Believe". Elvis PRESLEY et Peggy LEE entre autres l’ont interprétée. La version de Barb me semble un brin trop lente et emphatique pour se hisser au-dessus des autres. Nous restons sur le vieux Mississippi avec "I Had Myself A True Love", une nouvelle composition de Arlen, dont on sait que Barbra aime bien les chansons. Mais il manque cette fois un peu de la magie d’un air mémorable. L’extrême douceur reprend ses droits sur "Bewitched Bothered And Bewildered". Même si la voix de Barb y est à son zénith, je suis moins sensible à la compo qu’est "Never Will I Marry".

Je pense que nous sommes au point d’équilibre entre les deux premiers opus de Barbra STREISAND. Ici, rejaillit par moments la capacité de la jeune femme à faire siens les grands classiques du Great American Songbook. Nous sommes clairement sur un 3,5 de belle allure. La voix céleste est omniprésente de la première à la dernière bosse du microsillon. L’ensemble en paraît presque irréel. Seule la valeur des compositions tire plus ou moins la note finale de l’album. Impossible de critiquer l’aspect vocal des performances de Barbra, une vraie merveille de ce point de vue.