En ces fins seventies, Barbra STREISAND est à la mode partout : ses divers essais – parfois plus ou moins réussis – d’associer Great American Songbook, pop et variété ont porté leurs fruits et elle fait l’unanimité dans le monde de la musique populaire. Ajouter à cela son talent pour les musicals – elle vient de triompher avec A Star Is Born, et vous obtenez une des plus grandes stars alors en activité. Barbra pose d’ailleurs pour ses 35 ans en 'Superman' avec son espièglerie coutumière – quelle belle pochette ! -, mais ne vous y trompez pas, l’artiste est une redoutable charmeuse, d’une grande intelligence et qui sait toujours tirer le meilleur parti des situations qui lui sont présentées.

L’éponyme "Superman" est un titre de variété dans le sens le plus évident, très proche des thèmes joués en France à la même époque. L'orchestration à base de cordes est ultra-datée, même si Barbra livre une belle performance. La mollesse de "Baby Me Baby" est remarquable. On touche ici au sublime des travers de la countrypolitan qui se voudrait juste cool mais tombe dans une morosité terrible avec ses grattes traînantes et son synthé chialant. Bien qu'un brin moins molle, "Answer Me" est de nature à endormir un amateur de rave sous ectasy. C’est pourtant une composition du grand Paul WILLIAMS.

Nous avons toutefois deux titres qui bougent bien, eh oui ! Elle a coécrit "Don’t Believe What You Read", un titre aux consonances rock avec des synthés qui évoquent le disco, mais le refrain se laisse bien apprivoiser. On note, pour une fois, que Barb chante en mode rock, c’est la première fois me semble-t-il. La gratte bodybuildée de "Cabin Fever" rattrape carrément la sauce, même si les synthés continuent de prêcher la bonne parole du disco. Cette fois, le chant de notre adorable chanteuse fait définitivement la différence et s’adapte parfaitement au genre. Et puis tiens, petite surprise ! Figurez-vous que Billy JOEL, qui a écrit "New York State Of Mind", a vu ses liens avec sa maman se resserrer suite à cette reprise de sa chanson par Barb. La version de notre chanteuse est fidèle à l’originale : entre New-Yorkais, on se comprend.

Le slow nashvillien qu’est "My Heart Belongs To Me" regorge certes de l'orchestration chère à faire frémir les familles de ricains moyens du Middle West. La mélodie au moins se tient et Barbra chante fort bien, rien à dire. Les chœurs n’aident pas à la kitscherie déployée. C’est la blondinette Kim CARNES qui a écrit "Love Comes From Unexpected Places". Malgré la différence des organes vocaux des deux chanteuses, Barbra semble à l’aise. Le choix de ne pas trop la charger est salutaire. Un mélange à la croisière s’amuse, type 'exotico disco' se pose sur "I Found You Love", ça reste très mou malgré une volonté de faire bouger, mais les 'tututu' me rendent fou. Enfin, on retrouve Rupert Holmes, le chouchou de Barbra, pour la berceuse "Lullaby For Myself". Elle est très mignonne et, même si le développement du titre laisse trop la part belle à l'orchestration désastreuse des seventies, la chanteuse y tient son rang.

Un opus difficile à noter car il y a des efforts notables, notamment au travers des deux titres rock qui présentent une belle évolution. Je suis sur un 2,5, mais il me semble difficile d’atteindre la note de 3, la faute à une multitude d’orchestrations seventies d’une abominable kitscherie. C’était l’air du temps, hélas, il manque la gaieté des sixties ou la superficialité froide des eighties. A ce titre, et malgré une richesse évidente, les seventies traînent toujours ce défaut. Je vais donc rester sur un deux sévère pour Superman qui s’est tout de même vendu à plus de 4 millions d’exemplaires.