Dans les mid-seventies, le monde de la variété internationale est représenté par Barbra. Voyez donc cette magnifique photo de Francesco Scavullo où elle n'a jamais été aussi belle ! La légende dit qu’elle aurait coûté à elle seule la bagatelle de 75 000 dollars, en 76 ! Une aberration ! C’est le grand Claus Ogerman – Billie HOLIDAY, Frank SINATRA, Tom JOBIM - on a vu pire - qui est derrière la console et à la réalisation de l’objet. C’est bien entendu un projet de grande ampleur pour la chanteuse qui touche ici logiquement au répertoire du classique, après avoir traversé le Great American Songbook et la pop. C’est la quadrature du cercle ! Barb a désormais 31 ans lors de l’enregistrement, mais ce projet quelque peu pharaonique ne sera relâché que trois ans plus tard.

Parmi les artistes français, nous débutons par le grand Claude DEBUSSY avec la sublime "Beau soir" qu’on jurerait sorti de la B.O des 10 commandements. Le Français de Barb est excellent, juste admirable. Deux chansons sont tirées du répertoire de Gabriel FAURE, la sublime "Pavane" qui à priori se suffit à elle-même et n’a nul besoin de Barbra pour être un des plus grands titres de la création. Les vocalises de notre chanteuse sont cependant du plus bel effet dans un tel écrin, un superbe moment, tout de quiétude et de félicité. "Après un rêve" est bien sûr moins extraordinaire, mais il faut admettre que la chanteuse s’en sort remarquablement avec la langue de Molière.

On passe du coq à l’âne avec "Lascia Ch’io pianganacht", un titre de HAENDEL qui a encore gardé toute sa verve et son aura, malgré les siècles passés. Nous restons avec HAENDEL pour la germanique "Dank Sei Dir, hen". Le moins qu’on puisse dire est que Miss STREISAND n’a pas choisi la facilité. On est presque interloqué de découvrir une ligne de piano aussi simple sous la plume de SCHUMANN, mais "Mondnacht" est tout de même une belle ode à la douceur. On retrouve l’oublié Austrio Slovène WOLFE sur la très calme "Verschwiegene Liebe", dans la langue de Goethe comme il se doit avec une Barbra parfaitement à l’aise et sûre de son art. C’est très fort.

Il y a aussi des choses moins connues, preuve de l’intérêt de miss STREISAND pour la musique : la "Brezairoia" - berceuse - de CANTELOUBE, fleuron du répertoire français tiré des "chansons d’Auvergne" impressionne par sa douceur. Quel meilleur interprète que Barbra pour lui rendre justice ? Voici un fort joli moment chanté en Auvergnat, qui n’était pas si évident à la base. Carl ORFF est le créateur de "In trutina", c’est très doux, avec une orchestration toute en retenue. Enfin, Claus OGERMAN est à la baguette sur l’énigmatique "I Loved You", au piano ondoyant et à l’esprit quelque peu fantomatique, un peu à part sur ces enregistrements.

Il est fort peu aisé de critiquer tout ce matériel, qui ne souffre que peu la comparaison avec la musique moderne du siècle de Barbra. La plus belle pochette de sa carrière, c’est déjà pas mal. Bien sûr, chacune de ces pièces est déjà un classique en soi, et les versions proposées ici ne changeront pas la donne mais s’adresse clairement au public des fans de Barbara. Au moins, cela sera-t-il une porte d’entrée vers certaines oeuvres classiques. Je reste donc sur un 3 très équilibré.