Pourquoi colorier Barbra, hein ? La jeune femme n’a guère besoin de coloris tant sa voix couvre une tessiture incroyable et que sa personnalité rayonne de mille feux sur le show biz de ces mid-sixties, à une époque où les ROLLING STONES et les BEATLES sont les fers de lance des nouvelles générations. C’est fort simple en fait, le succès du premier show télévisé en noir et blanc fut tel que CBS, qui veut continuer de s’occuper de la poule aux œufs d’or, lance un nouvel épisode, cette fois en couleur. L’Amérique adore sa Barbra, toute de sourire et d’humour vêtue. On la voit donc en face des oeuvres du Philadelphia Museum dans cette nouvelle ambiance et réagir aux différentes tableaux. Nous sommes en 66.

En introduction, elle marche dans les couloirs du musée – magnifique - sur "Yesterdays", déguisée en maid et prenant soin des sculptures. La dynamique de la composition de Jerome Kern est d’une troublante beauté sous la voix de Barb et l’orchestration magnifique crée pour l’occasion un très fort moment que je classe aisément parmi les meilleurs du genre, un moment de félicité totale, je le conseille vivement. La trépidance de "Gotta Move" nous plonge dans une ambiance chaotique qui évoquerait sans soucis les James BOND de la même époque, la voix de Barb en plus, dans une vidéo très colorée.

Après une telle débauche d’énergie, "One Kiss" nous endort carrément. Cette version très lente ne fonctionne pas tout à fait. On la retrouve en Nefertari dans "Where Or When", et il faut admettre qu’en pharaonne, elle en jette, la chanteuse, son profil y correspond à merveille. Je garde ma préférence pour la version de Georges MICHAEL. Puis, on la voit jouer les Marie-Antoinette, assistant à la guillotine de son époux dans "The Minute Waltz", une jolie performance car elle chante à toute vitesse, précédant en cela les grands flower de la fin de siècle tel un EMINEM des sixties. C’est rigolo.

Barbra STEISAND fait ensuite preuve de beaucoup d’humour dans l’introduction du fameux "Medley", on la voit avec les animaux qu’elle évoque ou avec le caniche Sadie en main. Un ensemble d’extraits de belle tenue avec en particulier une ébauche sympa sur le "What’s New Pussycat" de Tom JONES. "Where Am I Going" est sortie du musical Sweet Charity. Barb en propose une lecture intéressante et la composition ne manque pas de piquant. "Starting Here Starting Now" sort du même tonneau.

Voilà une charmante évolution dans la discographie de notre chanteuse new-yorkaise. On note la présence de deux titres dans la langue de Molière sur ce nouvel opus. Elle aurait pu choisir la version anglaise de "C’est si bon" - "It’s So Good" - qui a connu la gloire chez nous avec Charles TRENET, mais la faire en anglais lui laisse son identité première. Cette version très lente n’est pas simple à analyser avec son piano jazzy virevoltant. La "Non c’est rien" prend sous l’influence de Barb une belle identité, la jeune femme qui se donne à fond faisant passer le message en français de manière super efficace. On n’est pas sans remarquer les similitudes avec notre Mireille MATHIEU nationale sur les portions où la voix céleste se laisse aller à fond, j’avoue préférer la version de l’Américaine.

Ce Color Me Barbra s’écoule à plus d’un million d’exemplaires comme à l’accoutumée. J’en retiens pour ma part plusieurs moments vraiment chouettes avec, en point d’orgue, la fabuleuse introduction qu’est la bouillonnante fugue "Yesterdays", avec son clavecin et son orchestration magique. Quelle chanteuse tout de même ! Jamais prise en défaut ! Ce nouveau show télévisé présente cependant malgré tout les défauts des musicals, à savoir des titres mis en scène qui sont souvent indissociables de l’image. Je reste sur un trois équilibré.