La belle couverture travaillée de Stoney End, le douzième opus de Barbra STREISAND, annonce clairement la couleur : en associant un truck, un paysage typiquement américain et ce canapé rouge de saloon, la chanteuse revendique une indéniable filiation pop. Il semblait évident que la chanteuse n’allait pas tarder à se frotter au répertoire des grands de la pop pour diversifier son propos, c’est une démarche saine et parfaitement compréhensible, vu la qualité de la voix et la personnalité de la jeune femme. Sa discographie est déjà longue comme le bras, il est temps ! Barb n’a pas encore trente ans, mais son expérience ne fait pas le moindre doute. Un bref coup d’oeil aux titres ici présents achève de nous confirmer que nous allons changer de vibration, après des années de great american songbook.

Et on commence par frapper fort et précisément ! "I Don’t Know Where I Stand" est issu du répertoire de l’une des autres grandes chanteuses du début des seventies. Joni MITCHELL est présente dans la place et prouve immédiatement que Barbra souhaite investir des territoires de la pop sans se cacher. En prenant fait et cause pour Joni, elle assume son statut d’interprète génial et laisse une portion de la gloire à sa collègue. La chanson est un véritable must. Les chansons grands espaces du folkeux Gordon LIGHTFOOT sont aussi de la partie avec "If You Could Read My Mind", sa petite guitare et son ambiance onirique. Le joli rire chaud de Barbra introduit "Maybe", un titre composé par le fantasque Harry NILSSON, et le mélange fonctionne à merveille, avec une Barbra qui parvient à trouver le juste milieu entre une vision grandiloquente de la musique et des accents pop incontournables.

Nous avons ici trois titres de Laura NYRO : la dynamique et éponyme "Stoney End" nous plonge dans un abîme pop jamais auparavant atteint par la New Yorkaise, c’est à peine si on la reconnaît. Cette version est vraiment étonnante, avec beaucoup de choeurs – il s’agit du groupe FANNY, un des premiers all women bands - et une orchestration très à la mode des années seventies. Le single monte à la 6ème place du billboard. Le suivant sera le 2ème single, ce qui montre l’étendue de l’admiration de Barb pour la jeune artiste de 5 ans sa cadette. Il s’agit de "Time And Love" où on reconnaît la patte de Laura et toute sa dynamique si originale, de bons choix pour Barb afin de s’affermir comme pop star, mais personne n’égalera miss NYRO sur ses propres chansons. Le piano tressautant de "Film Flam Man" achève cet hommage à la native du Bronx, très agréable. On a envie de taper dans les mains pendant la durée de la chanson, de la bonne humeur au programme.

Nous avons de la même manière deux titres de Randy NEWMANN présent sur cet album : "Let Me Go" sorti du film The Pursuit Of Happiness et son piano quasi bastringue. La funèbre "I’ll Be Home" propose une toute autre vision du talent de chanteuse de Barbra. Le Hammond y met une ambiance d’église assez réussie, dans un ensemble très américanisé. Le couple Mann/Weil a amené la sympathique "Just A Little Lovin".
Quant aux accents soul de "No Easy Way Down", ils sont tirés du répertoire d’un autre couple célèbre de compositeurs : Carole KING et Gerry Goffin. Pas désagréable du tout. Les orchestrations font honneur à Topanga canyon, une guitare volubile – Larry CARLTON - et des cuivres rebondis. Enfin, "Free The People" est un titre de Barbra Keith, et il s’agit d’un des sommets de cet opus. Les cuivres y tonnent avec beaucoup d’à propos alors que l’ambiance générale est presque au gospel et nantie de choeurs super efficaces. La composition accélère tout du long et propose ainsi beaucoup de dynamique, un hammond se joint à la fête et tout ceci est vraiment motivant et agréable.

Une véritable réussite que ce pari de la chanteuse américaine, petite fiancée de l’Amérique, d’avoir négocié un virage pop. Ce n’était pas si évident à la base. J’avoue que je suis clairement sur un 3,5 étoiles, mais je n’ai pas de difficultés à remonter la note finale à quatre, pour d’excellentes raisons d’actualité. Nous sommes désormais à la pointe de la modernité pour Barb. Les foules mélomanes ne s’y trompent pas en achetant cet album avec passion. On dépasse allégrement le million d’exemplaires vendus aux USA, des camions remorques s’en écoulent de par le monde et miss STREISAND y gagne de nouveaux galons de notoriété, tout en diversifiant avec le talent qu’on lui connaît son répertoire Live. C’est fort, non ?