La pochette de couverture ne trompait personne, il semblait évident que ce dernier album de Barbra STREISAND allait sortir du giron habituel du Great American Songbook, ce qui n’est pas pour me déplaire comme vous pouvez vous en douter. Malgré son âge tout de même avancé, Barb a choisi de politiser cet opus. Walls comme le mur que le gouvernement Trump édifie face au Mexique, nous assistons donc a une critique en règle de l’establishment en place, ce n’est pas à 76 ans qu’on débute une carrière de révolutionnaire dites-vous ? C’est compter sans Barbra, toujours plus indomptable. En tout cas, voici son 36eme et pour le moment dernier opus.

L’album s’ouvre sur de jolis arpéges de guitare et une tonalité pop qu’on avait oublié chez Barbra. "What’s On My Mind" est comme une profession de foi de l’artiste, dans laquelle elle évoque ses idées ses espoirs. L’équipe constituée du Suédois Jonas Myrin, Carole Bayer et Jay Landers s’est chargée de pas mal de compos, avec une certaine réussite, comme vous allez voir. La suivante est donc "Don’t Lie To Me", qui confirme la direction prise par cet album, une pop décomplexée qui sert d’écrin a la plus belle voix de la musique populaire, une merveille. Perso, je suis ravi devant ce choix qu’on osait plus éspèrer.

Et Barbra ose… La voila qui se lance dans une version de "Imagine/What A Wonderful World" d’une modernité a toute épreuve, en mêlant les deux classiques, Barb se moque pas du monde, sa voix lui permet toutes les originalités. Bien sur les puristes risquent d’hurler au scandale, mais il me semble que sans atteindre au sublime des versions classiques, la new yorkaise se fend d’une belle chanson. "Take Care Of This House" est une contribution du grand Leonard BERNSTEIN, pas sa meilleure mais on reste dans une certaine qualité. Cette version du classique des années 20 de Milton Ager "Happy Days Are Here Again" se voit attribuer une lenteur inhabituelle qui lui va comme un gant d’autant que Barbra lui rend pleinement justice. Burt BACHARAH a écrit "What The World Needs Now", toute douce puis soul, mais la compo me semble un brin en dessous.

C’est donc avec "Walls" que notre icône de l’Amérique se permet de critiquer la politique de son gouvernement, le texte est joli – les Bergman - et propose de construire des ponts a la place des murs. Toujours cette étonnante démarche chez les artistes de parler des murs – PINK FLOYD, TEARS FOR FEARS -, et cette chanson porte en elle une jolie humanité. Evidemment la figure allégorique qu’est la statue de la liberté est sensée éclairer le monde pour que chacun puisse parvenir dans la terre de la liberté, "Lady Liberty" nous plonge donc dans le symbolisme le plus américain qui soit. C’est mignon. Vous ne me croirez pas mais il s’agit d’une composition de DESMOND CHILD qu’on a plus connu comme pourvoyeurs de gros hits métalliques.

L’équipe en charge de l’album a donc écrit plusieurs titres : "Better Angels" espère en l’avenir pour que le monde change, la mélodie est sympa et se retient. Le slow "Love’s Never Wrong" pioche dans les plus grandes compositions de l’histoire pour exister, mais le résultat final est particulièrement réussi. On peut reprocher cette avalanche de cordes tout du long mais la voix de Barbra le fait vraiment. On réinvestit les territoires de l’AOR avec "The Rain Will Fall", une sublime composition épique qui sert au mieux la voix de Barbra, qui ne s’en laisse compter par personne. Le rythme soutenu et l’orchestration sont de toute beauté, voila un titre de toute beauté, le meilleur de cette livraison.

La conclusion est fort simple : lorsque Barbra se contente de reprendre les grands classiques du great american songbook, on est guère surpris même si la qualité de la voix est évidente. Alors lorsqu’un album de pop se pointe et que les compositeurs ont fait preuve d’originalité comme c’est le cas ici, on est ravi, c’est juste logique. C’est en tout cas mon cas, et ce dernier opus de la grande dame qu’est Barbra STREISAND mérite amplement la note de 4 étoiles avec un accessit spécial pour "The Rain Will Fall". Allez Savoir, Barbra a certes 81 ans aujourd’hui, mais on peut espérer en l’avenir ! Merci gente dame pour cette incroyable discographie ponctuée de hauts faits.