Après des années passées à faire la chanteuse de pop, voire de variétés, et parfois même de rock ou de folk et de country, notre Barbouze préférée s’est un jour arrêtée dans sa folle course et s’est dit qu’il était temps de revenir à ce qu’elle aime le plus : le Great American Songbook. Alors, ouais ! C’est le grand retour aux musicals qui ont fait sa renommée, accompagné comme il se doit du show télévisé idoine. Le contrat le précise, Barbara a toute liberté artistique, les boss de la Columbia ne peuvent que la fermer. Un bel exemple d’indépendance ! La photo de couv’ nous montre une New-Yorkaise alanguie, tranquille comme si tout devait s’écarter devant elle sans effort.

Stephen Sondheim, qui a récemment eu les plus grands succès à Broadway, est incontournable pour moderniser le ton général de cet opus, ses immenses succès servant de base à de nombreuses contributions. Ainsi, la trépidante "Putting It Together" - avec les voix de Sydney Pollack et de David Geffen -, qui explique le choix de revenir à ce style. Barb' y chante et parle avec son habituelle classe, des sons synthétisés sont là pour symboliser les eighties. Ouais, c’est un des classiques de l’artiste aujourd’hui.

"Not While Im Around", très B.O, propose une atmosphère américaine et bon enfant s’il en est, presque mystique, et Barb' assure. On reste tout smooth, tout tranquille, avec une voix d’une douceur qui touche au sublime sur "Pretty Women". Les cuivres de "Being Alive" font ressortir à merveille le thème de la chanson sur la vie, on est en plein music hall moderne, avec basse slappée et une ambiance moderne. "Send In The Clowns" est en revanche un brin kitsch, il faut l’assumer.

"Somewhere", co-composée avec l’immense GERSHWIN, est un des plus grands standards du genre, magnifié dans West Side Story . Barbara apparaît magnifique dans la vidéo, alors qu’elle atteint l’âge de la maturité. Bien sûr, les oreilles habituées à la version classique des sixties vont sursauter, mais la performance est hallucinante. L’autre resucée tirée du Romeo et Juliette new yorkais est "Something’s Coming", cette fois sans Sondheim, mais l’orchestration synthétisée trouve à nouveau ses limites malgré une Barbra qui s’arrache bien. Mais les synthés des eighties ne sont pas les moins pompiers qui soient.

Le medley de "I Have Dreamed" sorti de la B.O de The King And I dégage quelques effluves exotiques comme il se doit. L’ensemble a une bonne tête, mais n’approche pas la classe des versions originales. Barbra, qui joue la malade dans la "Adelaide’s Lament" de Frank Loesser, se veut drôle mais l’ensemble a bien vieilli. Jerome Kern est là sous les traits de "Can’t Help Lovin That Man", tiré de Show Boat, avec un harmonica intenable. "If I Loved You" sort de la hongroise Carrousel, c’est un bof.

Barbra STREISAND se lance sur les traces d’Ella FITZGERALD, toutes ces années après, avec "I Loves you Porgy". Techniquement rien à redire, c’est peut-être dans le ton que se joue la suprématie entre les deux immenses artistes. Barb en rajoute peut-être un brin trop, sa personnalité larger than life s’imposant d’elle-même, alors que la first lady of jazz, toujours égale à elle-même, reste indétrônable.

Bon, ce retour à Broadway n’a rien de déshonorant, mais la grande époque des musicals est tout de même derrière nous dans les eighties. Le temps a passé, mais l’Amérique se souvient que Barb' a été la petite fiancée du pays de l’oncle Sam, deux décennies auparavant. Le top du hot Billboard est donc atteint, une fois de plus, pour l’immense chanteuse. J’oscille entre un 3 fort et un 4 faiblard, mais ces sons des eighties me semblent peu efficaces à la longue, je reste sur un trois.