Le succès phénoménal du célèbre "Harvest" en 1972, laisse un Neil YOUNG épuisé moralement et physiquement, en proie à beaucoup de doutes, sur lui-même et sur le monde qui l'entoure. C'est dans cet état d'esprit qu'il va passer trois ans, qui vont voir le Loner accoucher de trois chef-d'oeuvres noirs. Âmes sensibles et amateurs d'"Harvest" s'abstenir, on est loin des ballades country lumineuses et des tubes à la "Heart Of Gold".
1973, Neil entame avec une grande tournée avec les Stray Gators, la plupart des dates se déroulant dans de grandes arènes, à cause du succès du fameux album susnommé. YOUNG prend le public à revers, en interprétant que peu de tubes, préférant des titres inédits beaucoup plus rageurs et âpres. Autant dire que l'ambiance est tendue... De cette tournée naîtra "Time Fades Away", un véritable album en "live", toujours pas rééditer en CD (allez Grincheux, lâche les bandes bon sang!). La même année Neil YOUNG enregistre "Tonight's The Night", qui restera au placard pendant deux ans. "On The Beach" sortira entre temps.

Bien adapté à son moral, le Loner distille ici un blues plutôt froid et lancinant, à la manière d'un "Vampire Blues", renforcé par la voix de Neil que l'on sent totalement blasé et un solo complètement désarticulé.
YOUNG provoque, avec une chanson qui fera parler d'elle, sur la cavale du célèbre tueur en série Charles MANSON. "Revolution Blues" se veut plus agressive comme le prouve les rythmiques et les solos, le chant est plus accusateur et Neil en profite pour égratigner pas mal les Etats-Unis.
A l'inverse, "Walk On" est plutôt sympa, guitares plus enjouées et slide en appui, mais les paroles sont malgré cela remplies de rage envers le système.

Dans cet album, Neil YOUNG va mettre en exergue les affres de la célébrité, qu'il a du mal à accepter. Sa plus belle confession est très certainement le morceau-titre "On The Beach", véritable moment de grâce, l'ambiance est y est plutôt sereine, laisse échapper des solos bluesy de toute beauté. Neil varie les intonations dans son chant, sublime, où l'on entrevoit de grosses interrogations, sur son rapport avec le public, ses ressentis par rapport au monde, un désir d'exil... Pour moi, une des plus belles chansons du Loner.
Il laisse souvent échapper sa mélancolie sur un "Motion Pictures" plus acoustique qui se voit agrémenter de quelques plaintes d'harmonica. Il en devient presque dépressif sur le très beau "See The Sky About To Rain", porté par un piano résonnant qui nous plonge dans le gris.

L'album se clôt sur un long blues acoustique, "Ambulance Blues", à l'atmosphère pesante à l'image du violon country grinçant et ses solos d'harmonica très graves. Le bout du tunnel n'est pas encore atteint, on laisse ici un Neil encore bien morose.

Cet album, enfin éditer en CD il y a 2 ans, est une véritable pierre angulaire dans la discographie du Canadien. Il est brut, touchant, et c'est certainement le plus agréable à écouter de la "trilogie". "Tonight's The Night" est certes meilleur et plus beau, mais me laisse toujours terriblement mal à l'aise.
Venez rejoindre Neil YOUNG sur cette plage de sable fin sous ce ciel grisâtre, vous y trouverez un homme rempli d'humilité...