Le 14 janvier 1972 sort l’album Harvest, succès planétaire, reconnaissance du musicien pour sa carrière solo, Neil YOUNG en acoustique avec de beaux arrangements, bref le gars que l’Américain moyen range dans sa discothèque entre Paul SIMON et James TAYLOR.
Dix-huit mois plus tard... le Roxy un club de Los Angeles...
Qui est le clochard sur la scène ? Ce mec hirsute, barbu, avec des grosses lunettes et une guitare électrique, ben dis donc ils les embauchent où les roadies ?
Pardon ? Non, c’est pas vrai. Ce mec c’est Neil YOUNG !

Le temps s’est arrêté le 18 novembre pour Danny Whitten, le guitariste de CRAZY HORSE. Ce jour-là, Neil YOUNG le dégage des répétitions, lui file 50$, un billet d’avion et le renvoie à Los Angeles. Dans la même nuit, Danny, très accro aux drogues, meurt d’une overdose de valium et de vodka.
Les circonstances de la mort de Danny, ajouté à une consommation effrénée de cocaïne et à l’annonce que son fils souffre d’une grave maladie génétique vont anéantir complètement Neil YOUNG qui s’enfonce dans la dépression.
Aussi, cette série de concerts est quasiment un exorcisme, une tentative de se débarrasser des démons qui le hante. Son groupe se nomme pour l’occasion SANTA MONICA FLYERS et se compose de Billy Talbot, Nils Lofgren, Ralph Molina et Ben Keith? certainement une, sinon la meilleure formation de Neil YOUNG.
Bizarrement, le Loner semble joyeux même si on ne comprend pas trop le sens de ses propos d’introduction "Bienvenue à Miami Beach ! Je tiens à remercier mes managers de m'avoir présenté... Dix ans dans le business, les gars. Je me sens comme Perry Como !" vu que L.A. est géographiquement à l’opposé de Miami.
Et pourtant... quasiment à chaque fois que j’entends ses chansons qui figureront sur l’album Tonight’s the Night, qui sortira presque deux ans plus tard, le 20 juin 1975, je pense à ces mots d’Alfred de Musset « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots. ».
Certes, c’est un spectacle, et le groupe met en scène la douleur et l’émotion. Quand même, c’est absolument bouleversant cette longue descente aux enfers, les deux parties de « Tonight’s The Night », ou la version de « Walk On » qui sera le morceau d’ouverture de l’album On the Beach qui sortira le 19 juillet 1974. On ne sort pas indemne de « Mellow in My Mind » ; le Loner et ses musiciens attaquent la viande jusqu’à l’os, et la steel-guitar de Ben Keith pleure comme un enfant qui vient de perdre ses proches. Et la voix écorchée de YOUNG semble sortir d’un égout.

Certes ce concert est assez proche dans l’esprit et dans l’interprétation de l’album Tonight’s The Night évoqué plus haut et que le boss de Reprise (la maison de disques) avait eu beaucoup de mal à « apprécier ».
Mais on sait que le Loner, qui sort maintenant quasiment un nouveau cd tous les mois, a décidé de rendre public ses archives et il prépare déjà Alchemy, un album live de CRAZY HORSE et une vidéo qui documente la tournée mondiale 2012/2013 du groupe.
Pas sûr que toutes les archives atteignent ce niveau, la très longue carrière de Neil YOUNG est aussi une succession de sommets et d’abimes profonds.